Trois réconciliations nous intéressent: nous, en tant que non-vivants, nous, en tant que vivants non-humains et nous en tant qu'humains.
Y en-t-il que trois?
C'est douteux. Il y en a peut-être des dizaines, des centaines voire
bien plus encore. Le raisonnement à trois temps est souvent utilisé chez
les savants et les non-savants car il semble être un facilitateur de la
mémorisation. Eh bien, nous en restons à trois et il y a trois parties à
ce livre: la réconciliation des humains avec le non-vivant, la
réconciliation avec les vivants non-humains et la réconciliation avec
tous les humains.
Qu'entendons-nous par réconciliation?
Trois faits très simples: nous sommes des non-vivants, nous sommes des
non-humains et tous les humains sont des humains. En d'autres mots, il
n'y a aucune différence de nature entre ces trois existences mais
seulement une histoire différente qui nous donne la forme que nous
avons. Mais pourquoi faut-il se réconcilier? Nous sommes-nous fâchés un
jour au point que nous devions nous excuser mutuellement? Nous voulons
nous réconcilier parce que lorsque nous parlons de non-vivant, des
vivants-non-humains et de tous les humains, il y a un grand nombre de
personnes qui ne cessent de dire que la matière est morte, que les
vivants non-humains ne pensent pas et que les humains se divisent en des
milliers de groupes, de sous-groupes t d'individus complètement
différents les uns des autres.
Commençons par le non-vivant.
Nous partons de l'idée que tous les humains comme tous les vivants sont
composés uniquement des éléments et des corps composés de ces éléments
qui figurent dans le tableau de Mendeleïev. Cela signifie que si un
laboratoire scientifique prenait un humain et en extrayait tous les
composants, on n'y trouverait que les éléments dont nous avons parlé
précédemment. Ni "pensée", ni "âme" ni tout autre esprit ne resterait au
fond de l'éprouvette. Hélas, cette expérience est impossible. Nous
sommes autorisés à travailler sur des corps humains morts mais jamais on
ne pourrait se saisir d'un humain dans sa pleine capacité de vie afin
de le réduire en ses parties élémentaires. Il nous reste quand même une
solution: l'hypothèse. Tant que personne ne parviendra à démontrer le
contraire, nous estimons que l'humain n'est constitué que de non vivant,
comme les vivants-non humains ou le non-vivant. L'univers actuel est le
résultat du Big Bang d'il y a 13,7 milliards d'années. Les humains
vivent sur la Terre qui représente 0,01% du système solaire, le Soleil
n'est qu'une étoiles parmi les trilliards de trilliards de trilliards
d'étoiles qui selon comme l'écrit André Brahic dans "Enfants du Soleil"
(1999). Cela nous oblige un grand écart pour mettre d'un côté, un humain
et de l'autre, l'univers. Mais c'est une spécificité de ce livre: nous
allons devoir faire un très grand nombre de grand écart. J'existe? Oui.
L'Univers existe? Oui. Donc tout va bien... à condition de ne jamais
réduire l'un des termes de notre sujet. Il y a un très grands nombres de
savants qui étudient l'Univers et qui probablement - ils sont les
premiers à l'avouer - n'en connaissent qu'une partie infinitésimale. De
l'autre côté, il y a encore plus de savants et de non-savants qui
étudient les hommes et qui très souvent avouent n'en connaître que bien
peu. Ce livre exige donc que nous fassions sans cesse de gigantesques
grands écarts dans le but de ne jamais nous livrer à un quelconque
réductionnisme.
Que dire des vivants non humains?
Les vivants que nous connaissons sont tous terrestres. Il ne concerne
que la planète Terre. Y en a t il ailleurs? Nos analyses actuelles du
système solaire nous laissent croire qu'il n'y en a que sur notre
planète. Même s'il est possible que nous en trouvions de minuscules
traces, des vivants en quantité et en qualité de ceux qui existent ici,
il n'y en a nulle part ailleurs depuis Mercure jusqu'à Neptune. Qu'en
est-il du reste de l'Univers? Nul signe de vie ne nous est parvenu à
l'heure actuelle. Et même si nous en avions, l'étoile la plus proche est
l'étoile Proxima Centauri située à environ 4,2 années lumières soit
plus de 39 736 milliards de kilomètres. Si nous avions un vaisseau qui
voyageait à la vitesse de la lumière, il faudrait plus de 4 ans pour s'y
rendre. La sonde spatiale le plus rapide Stardust évolue à 12 900 m/s
alors que la vitesse de la lumière est de 299 792 458 m/s soit 23240
fois supérieure. A cette vitesse, il faut donc 97 606 années pour nous y
rendre. Mission impossible. Ce type de déclaration devrait calmer
toutes velléités de recherches de vivants en dehors du système solaire.
Mais voilà un nouveau grand écart à assumer. Nous avons une certitude:
rien ne prouve qu'il n'y pas de vivants ailleurs dans l'Univers. Et
c'est encore une hypothèse négative. Revenons sur Terre. Le système
solaire date de 8 milliards d'années soit 5,3 milliards après le Big
Bang. La Terre est refroidie depuis 5 milliards d'années et on parle de
prémices de vivants, entre 4 et 3 milliards d'années. Le non-vivant se
divise en deux parties: une gigantesque, non-vivante et une minuscule,
les vivants. C'est peut-être ici l'occasion de dire que nous ne parlons
jamais de la vie mais toujours des vivants: la vie n'apparait jamais, ce
sont toujours des individus qui apparaissent. La vie n'existe pas alors
que le non-vivant, la non-vie existe. C'est l'une des grandes
différences entre les vivants - qui sont toujours au pluriel - et le non
vivant qui est toujours au singulier. Il y a un troisième grand écart à
assumer: tous les vivants actuels ont une seule et unique origine: la
passage du non-vivant aux vivants à travers des milliards d'années mais
ce n'est qu'une question de temps et de durée. Une partie des vivants
simples d'origine deviennent il y a 1 à 2 milliards d'années, des
cellules avec noyau et molécule ADN. On les appelles les vivants
eucaryotes: les uns trouvent leurs ressources de vie dans le soleil et
l'eau environnante où il y a des quantités gigantesques de particules de
non vivant assimilables et les autres trouvent leurs ressources de vie
en se nourrissants d'autres cellules. Les premières s'appellent cellules
autotrophes et les secondes, des cellules hétérotrophes. Les premières
sont à l'origine du règne végétal et les secondes, du règne animal. Les
végétaux n'ont pas besoin d'être mobiles: ils n'ont pas cerveaux. Les
animaux doivent être mobiles pour trouver leurs ressources de vie. Ils
ont un cerveau. La plupart des vivants ont une molécule ADN qui va du
plus simples pour les vivants minuscules au plus importante et plus
complexes qu'ils soient végétaux ou animaux. Les animaux ont en outre un
cerveau, des plus simples aux plus complexes selon leur dimension et
leur histoire. Tous les vivants sont en quête des ressources de vie -
c'est une formulation plus précise que de dire qu'ils vivent voir
survivent car sans ressources de vie, pas de vivant. Tout vivant est
également en quête de ressources de reproduction car sans ressources de
reproduction pas de vivant. Dans ces deux cas, nous avons une
application simple de la théorie du mieux adapté de Darwin: ne vivent
que ceux qui trouvent des ressources de vie donc les vivants sont en
quête permanente de ces ressources. De même que ne vivent que ceux qui
sont nés d'où la quête permanente des ressources de reproduction. A
l'origine, les vivants monocellulaires se reproduisent par scissiparité:
une mère se divise en deux filles. Une fois que ce sont créer des
coopération et des corps multicellulaires, apparaît la sexualité: sur 80
types de cellules spécialisées, il y a une qui sert à "reproduire à
l'identique" le vivant parent, en fait l'union au sens de la théorie des
ensembles, de deux vivants dont l'un est mère ou féminin et l'autre est
père ou masculin. Dernière remarque: la quête des ressources de vie
concerne un individu - un humain ou une plante - mais la quête des
ressources de reproduction concerne une espèce donnée - les humains ou
les chênes pédonculés.
Enfin voici l'humain.
C'est une espèce vivante. En cela elle n'est composée que de non vivant
et toutes ses cellules comportent une molécule ADN qui correspond à son
espèce mais sa molécule ADN est l'une des plus complexes. C'est un
animal qui possède un cerveau mais c'est le plus complexe, également.
Nonobstant ces deux extrêmes complexités; c'est un vivant comme tous les
vivants et un animal comme tous les animaux. Elle se sépare de l'ordre
des primates, il y a 7 millions d'année. Et
elle sort pour la dernière fois d'Afrique, il y a 70 000 ans.
Mais il pense ....
Il
n'est pas seul à penser. Tous les animaux ont un cerveau. Donc ils
pensent. Tous les végétaux ont des cellules avec des molécules ADN. Donc
ils pensent. Mais le non vivant ne pense pas? Voilà la grande erreur:
comment le non-vivant peut-il être à l'origine d'ensembles qui pensent
si lui même ne pense pas? Il nous faut tout une livre pour expliquer
cette idée qui est refusée par un grand nombre d'humains: c'est le cœur
même de notre triple réconciliation.
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