mardi 29 décembre 2015

Annexe 17 - Yuval Noah Harari









Yuval Harari

Le professeur Yuval Harari est l’auteur du bestseller international Sapiens: une brève histoire de l’humanité.
Il est né à Haifa, en Israël en 1976. Il a obtenu son doctorat à l’Université d’Oxford en 2002, et est à présent maître de conférence pour le Département d’Histoire de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Il s’est spécialisé dans l’histoire du monde, l’histoire médiévale et l’histoire militaire. 
 
Ses recherches actuelles abordent des questions d’histoire très générales : 
- Quelle relation existe-t-il entre l’histoire et la biologie ? 
- Quelle différence essentielle distingue l’Homo sapiens des autres animaux ? 
- La justice a-t-elle cours dans l’histoire ? 
- L’histoire suit-elle une direction ? 
- Les gens sont-ils plus heureux au fil du temps qui passe ?

Le professeur Harari dispense également un MOOC (Massive Open Online Course) intitulé : « Une brève histoire de l’humanité »
 
Plus de 80 000 étudiants de par le monde ont suivi les premiers cours en 2013. Pour les suivants, dispensés à partir d’août 2014, on dénombrait 30 000 étudiants inscrits dès les trois premières semaines.
Le professeur Harari a remporté le « prix Polonsky pour la Créativité et l’Originalité » à deux reprises, en 2009 puis en 2012. En 2011, il s’est également vu attribuer le « Society for Military History’s Moncado Award », pour ses articles exceptionnels sur l’histoire militaire. Un an plus tard, il était élu membre de la jeune Académie israélienne des sciences.
 Yuval Harari a publié de nombreux livres et articles parmi lesquels :
Sapiens: A Brief History of Humankind. (Londres: Harvill Secker, 2014).

Special Operations in the Age of Chivalry, 1100-1550 (Woodbridge: Boydell & Brewer, 2007);

The Ultimate Experience: Battlefield Revelations and the Making of Modern War Culture, 1450-2000 (Houndmills: Palgrave-Macmillan, 2008);

“The Concept of ‘Decisive Battles’ in World History”, The Journal of World History 18:3 (2007), 251-266;

“Military Memoirs: A Historical Overview of the Genre from the Middle Ages to the Late Modern Era”, War in History 14:3 (2007), pp. 289-309.

“Combat Flow: Military, Political and Ethical Dimensions of Subjective Well-Being in War”,
Review of General Psychology 12:3 (September, 2008), 2

and “Armchairs, Coffee and Authority: Eye-witnesses and Flesh-witnesses Speak about War, 1100-2000”, The Journal of Military History 74:1 (Janvier 2010), pp. 53-78.









1) Il y a 70 000 ans, il existait six différentes races d’hommes sur Terre. Ils étaient alors d’insignifiants animaux, dont l’impact écologique n’était guère supérieur à celui de nos lucioles et méduses actuelles. Aujourd’hui, une seule espèce demeure : l’Homo sapiens, mais il contrôle le monde.
Le livre Sapiens, nous entraîne dans une traversée à couper le souffle de l’histoire humaine et de son évolution, des origines jusqu’à l’âge du capitalisme et du génie génétique, pour tenter de comprendre pourquoi nous sommes tels que nous sommes.

Sapiens s’intéresse aux processus clés qui ont façonné l’humanité et le monde qui l’entoure, tels que l’introduction de l’agriculture, la création de la monnaie, la diffusion de la religion, et l’avènement de l’Etat nation. Contrairement aux autres livres dédiés au sujet, Sapiens adopte une approche pluridisciplinaire qui fait pour la première fois le lien entre histoire, biologie, philosophie et économie. Plus encore, en adoptant tantôt une perspective globale, tantôt un point de vue particulier, Sapiens décrit ainsi non seulement les événements tels qu’ils se sont produits, mais aussi la façon dont ils ont été vécus par les individus.

Sapiens nous invite à prendre conscience du lien entre les avancées passées et les préoccupations actuelles, mais aussi à questionner les grands récits de l’histoire du monde dont nous avons hérités. Les conclusions de l’ouvrage sont à la fois éclairantes et provocatrices. Par exemple :

  • Nous dominons le monde car nous sommes les seuls animaux capables de croire à des choses qui n’existent que dans notre imagination, tels que les dieux, les Etats, l’argent, et les droits de l’homme.
    Plus qu’une menace, les Sapiens sont de véritables tueurs en série de l’écosystème ; et ce, depuis l’âge de pierre, lorsque nos ancêtres, armés de leurs premiers outils, ont décimé la moitié des mammifères terrestres, bien avant l’arrivée de l’agriculture.
  • La Révolution agricole est la plus grande escroquerie de l’histoire  – le blé a domestiqué l’homme et non pas l’inverse.
  • La monnaie sous toutes ses formes est le système de confiance mutuelle le plus universel qui ait jamais été imaginé. La monnaie est une chose en laquelle tout le monde croit.
  • L’empire est le régime politique qui a rencontré le plus de succès dans l’histoire de l’humanité, et notre époque caractérisée par un fort sentiment anti-impérialiste est une aberration qui n’est pas destinée à durer.
  • Le capitalisme est plus une religion qu’une théorie économique, une religion dont l’immense succès ne s’est pas démenti jusqu’à aujourd’hui.
    Le traitement réservé aux animaux par l’agriculture moderne est probablement le crime le plus barbare de toute l’histoire.
  • L’individualisme a été soutenu par les États et les marchés comme un moyen de briser les familles et les communautés.
  • Nous sommes infiniment plus puissants que nos lointains ancêtres, nous n’en sommes pas plus heureux pour autant.
  • Les Sapiens vont bientôt disparaître. Avec le concours des nouvelles technologies, d’ici quelques siècles, voire quelques décennies, les Sapiens évolueront jusqu’à devenir des êtres totalement différents, bénéficiant de qualités et d’aptitudes comparables à celles de dieux. L’histoire a commencé lorsque les humains ont inventé les dieux – et s’achèvera lorsque les humains deviendront des dieux.
Si Sapiens s'est rapidement imposé au niveau international, c'est parce qu'il aborde les plus grandes questions de l'histoire moderne dans une langue limpide et précise. Vous allez l'adorer ! – Jared Diamond, auteur de De l'inégalité parmi les sociétés, prix Pulitzer 1998.
 
 
2)  Le plus grand crime de l’histoire
A l’heure actuelle, la majorité des grands animaux de la planète sont des animaux d’élevage qui vivent et meurent dans les rouages de l’agriculture industrielle. La terre accueille 7 milliards d’humains dont le poids total atteint presque 300 millions de tonnes. La terre accueille aussi près d’une douzaine de milliards d’animaux d’élevage – des vaches, des cochons, des poulets, etc. – dont la biomasse totale approche les 700 millions de tonnes. En comparaison, si vous prenez tous les grands animaux sauvages qu’il reste encore sur terre – tous les pingouins, les babouins, les alligators, les dauphins, les loups, les thons, les lions et les éléphants – et que vous les disposez sur une très grande balance, leur poids total sera inférieur à 100 millions de tonnes.
La disparition de la faune sauvage est une catastrophe d’une ampleur inouïe, mais la situation est tout aussi critique pour les animaux les plus nombreux de la planète – les animaux d’élevage. Récemment nous avons assisté à une prise de conscience croissante des conditions dans lesquelles ces animaux sont élevés, et le destin que nous leur réservons pourrait bien constituer le plus grand crime jamais perpétré dans l’histoire humaine. Si nous jugeons de l’atrocité d’un crime en fonction de l’ampleur de la souffrance et de la détresse qu’il cause à des créatures sensibles, cette affirmation radicale se justifie.
Il est indéniable que l’agriculture industrielle moderne a pour seul but le bénéfice de la race humaine, tandis que les animaux terminent inévitablement leurs vies à l’abattoir. Mais ce système ne profite-t-il pas également aux animaux par certains aspects ? Les vaches et les poulets ne se portent-ils pas mieux lorsque les humains leur apportent leurs soins ? Après tout, ils disposent d’autant de nourriture, d’eau qu’ils en ont besoin, mais aussi d’un abri, tout cela sans avoir à faire le moindre effort. Ils sont également protégés contre d’éventuels prédateurs ou maladies. Et même s’il est cruel pour un poulet de mourir à l’abattoir de la main d’un homme, en quoi cela est-il pire que de mourir dévoré par un renard ou un aigle ?
Pour comprendre en quoi ce raisonnement est fallacieux, et pour prendre la mesure de la condition absolument misérable des animaux domestiqués, nous devons nous appuyer sur les recherches approfondies menées par une nouvelle science, la psychologie de l’évolution. Du point de vue de la psychologie de l’évolution, le problème majeur de l’agriculture industrielle ne vient pas des abattoirs ou de l’exploitation des animaux, mais du mépris de leurs besoins subjectifs.
Même après la révolution agricole, le destin des animaux domestiqués a toujours été déterminé par deux facteurs :
1. Les envies des humains. L’homme recherche notamment la viande, le lait, la laine, ce qui lui permettra d’accroître sa force musculaire.
2. La nécessité d’assurer la survie et la reproduction des animaux. Si le cheval de labour meurt d’épuisement, ou bien si la vache laitière ne donne pas de veau, les choses se présentent mal pour les fermiers qui se retrouveront vite sans lait et sans personne pour tirer leurs chariots et leurs charrues.
En théorie, on pourrait penser que la nécessité de garantir la survie et la reproduction des animaux concourt à la préservation de leur bien-être. Mais en pratique, les choses sont différentes. Tout d’abord, les fermiers n’ont pas besoin d’assurer la survie et la reproduction de tous leurs animaux. Bien souvent, ils achètent un cheval de trait, l’exploitent jusqu’à la mort, et se contentent d’en acheter un nouveau ensuite. Plus important encore, si l’agriculture humaine a intérêt à assurer la survie et la reproduction des animaux d’élevage pour fonctionner, elle n’en a aucun à pourvoir à leurs besoins émotionnels et sociaux ; et pourtant, la satisfaction de ces besoins est essentielle à la survie et à la reproduction.
Comment les animaux pourraient avoir des besoins émotionnels et sociaux qui ne soient pas essentiels à leur survie et à leur reproduction ? Les théories de l’évolution ne nous enseignent-elles pas justement que les besoins se manifestent uniquement s’ils contribuent d’une façon ou d’une autre à la survie et à la reproduction ? Nous atteignons maintenant le cœur du problème. Si l’on en croit la psychologie de l’évolution, les besoins émotionnels et sociaux des vaches, des poulets se sont manifestés pendant des millions d’années à l’état sauvage, lorsqu’ils étaient effectivement indispensables à la survie et à la reproduction. Pourtant, au cours des derniers siècles – un battement de cil en termes d’évolution – les humains ont élaboré un système agricole artificiel qui permet aux animaux de survivre et de se reproduire même lorsque leurs besoins émotionnels et sociaux sont ignorés. Cependant, ces animaux continuent d’éprouver ces besoins émotionnels et sociaux, et s’ils ne sont pas satisfaits, les animaux souffrent terriblement.
Le bœuf par exemple est un animal social, les vaches et les taureaux à l’état sauvage doivent savoir comment communiquer et coopérer pour trouver de la nourriture, éviter les dangers, trouver des partenaires et élever leurs petits. Les jeunes veaux doivent apprendre les règles et les tabous de la société bovine, ou ils ne parviendront ni à se reproduire ni à survivre. Le veau, comme tous les autres rejetons des mammifères, se sociabilise par le jeu. L’évolution a doté le veau d’un profond besoin de jouer, et les veaux – tout comme les chiots, les chatons, et les enfants – passent la majeure partie de leur temps à jouer et à s’amuser si vous leur en laissez la possibilité.
Que se passe-t-il si nous isolons un jeune veau en l’enfermant dans une cage, que nous lui donnons de la nourriture, de l’eau et des soins, et que, lorsqu’il est arrivé à maturité, nous prélevons son sperme pour inséminer une vache ? D’un point de vue objectif, le veau n’a plus besoin de jouer ou d’entretenir des liens avec d’autres individus de son espèce pour survivre et pour se reproduire. Cependant d’un point de vue subjectif, le veau ressent toujours ce désir impérieux de jouer et de se sociabiliser. Si ce désir n’est pas satisfait, le veau en souffrira grandement. Un besoin déterminé par des millions d’années d’évolution à l’état sauvage continue d’exister pour les animaux une fois que nous les avons domestiqués, et ce, même s’il n’est plus, dans nos fermes industrielles, indispensable à leur survie et à leur reproduction.
A ce stade, on pourrait se demander si les animaux ont véritablement des désirs et des émotions. Peut-être pense-t-on que les animaux ressentent quelque chose – comme le désir de jouer – parce que nous les humanisons à tort. Pourtant attribuer des émotions aux veaux ne les humanise pas. On peut tout au plus considérer que cela revient à les considérer comme des mammifères, ce qui est tout à fait permis, puisque effectivement ce sont des mammifères. Les sentiments et les émotions sont des mécanismes communs à tous les mammifères, qui leur permettent de s’adapter. Les zones du cerveau humain dédiées aux émotions primaires comme la peur, la colère, l’instinct maternel, sont très similaires à celles des autres mammifères. En effet, la définition même du mammifère se fonde sur l’attachement entre une mère et ses petits. Le nom « mammifère » évoque les mamelles, source de lait. Une femelle mammifère a tellement d’amour pour ses petits qu’elle les nourrit avec son propre corps, et ils ne peuvent survivre sans elle. Pour une raison ou une autre, une femelle mammifère qui n’éprouve pas d’amour pour sa progéniture, ou bien un rejeton qui ne ressent aucun attachement pour sa mère, ont peu de chances de léguer leurs gènes à la postérité.
Le fait que les émotions soient fondamentales chez les mammifères a été prouvé dans les années 1950, après une série d’expériences très éprouvantes menées par le psychologue américain Harry Harlow. Harlow séparait des bébés singes de leurs mères quelques heures après la naissance. Chaque bébé singe était mis à l’écart dans une petite cage, dans laquelle Harlow avait préalablement installé deux mères factices. L’une d’elle était recouverte de fils métalliques et équipée d’une bouteille de lait à laquelle les bébés singes pouvaient téter. L’autre, de bois, était habillée de tissus qui lui donnaient l’apparence d’une vraie maman singe, sans qu’elle n’ait rien de concret à offrir au petit.

Dans les années 1950, l’étude psychologique de tous les animaux, humains inclus, était dominée par l’approche comportementaliste. Le comportementalisme réduisait considérablement l’importance des émotions, et soutenait que le comportement des animaux est déterminé par des besoins matériels comme celui de se nourrir ou de trouver un abri. On supposait donc que le bébé singe s’accrocherait à la mère nourricière métallique plutôt qu’à la mère de chiffons stérile. Et pourtant, à la surprise générale, les bébés singes montrèrent une nette préférence pour la seconde, passant le plus clair de leur temps auprès d’elle. Lorsque les deux mères étaient placées à proximité l’une de l’autre, les petits s’accrochaient aux chiffons tout en tétant la mère métallique.
Harlow soupçonna que peut-être les bébés agissaient ainsi parce qu’ils avaient froid. Il plaça donc une ampoule électrique dans le corps de la mère faite de fils de métal, désormais rayonnante de chaleur. La plupart des bébés singes continuèrent à préférer la mère de chiffons. Des recherches ultérieures ont montré que les bébés singes orphelins de Harlow devenaient par la suite de vrais épaves émotionnelles, alors même que matériellement, ils n’avaient manqué de rien. Jamais ils ne se sont intégrés dans la société des singes. Ils ont eu des difficultés à communiquer avec leurs congénères, tout en souffrant de forts niveaux d’angoisse et d’agressivité.


La conclusion était incontournable : les singes doivent avoir des besoins et des désirs psychologiques qui vont bien au-delà des nécessités matérielles ; s’ils ne sont pas comblés, ils souffriront terriblement. Les bébés singes de Harlow préféraient passer du temps auprès de la mère stérile faite de chiffons parce qu’ils recherchaient un lien affectif, et pas seulement du lait. Dans les décennies qui ont suivi, de nombreuses études ont montré que cette conclusion ne vaut pas seulement pour les singes, mais aussi pour d’autres mammifères, pour les oiseaux et peut-être même pour certains reptiles et poissons. Ces découvertes ont révolutionné non seulement notre compréhension des animaux, mais aussi notre connaissance de nous-mêmes. Dans les années 1950, les enfants placés en orphelinat étaient éduqués selon un régime très sévère qui, s’il comblait leurs besoins matériels, négligeait totalement en revanche leurs besoins émotionnels. On dissuadait les enfants de jouer ou d’entretenir des liens trop étroits avec les autres enfants et les visiteurs, dans le but d’éviter l’indiscipline et la propagation de maladies infectieuses. Les résultats psychologiques de ce traitement ont été catastrophiques. Aujourd’hui nous savons que pour être heureux, les humains en général, et les enfants en particulier, ont besoin d’entretenir beaucoup de contact avec leurs semblables.

Et pourtant, sachant cela, nous soumettons toujours des milliards d’animaux domestiques au même traitement que celui qu’Harlow réservait aux bébés singes. Les fermiers séparent quotidiennement les veaux, les chevreaux, les agneaux et autres jeunes animaux de leurs mères et compagnons de jeu, pour les élever séparément. Le fonctionnement de l’industrie laitière en particulier repose sur la séparation des mères et de leurs petits. Les vaches, les chèvres, et les brebis ne donnent du lait qu’après avoir donné naissance à des veaux, des chevreaux, des agneaux, jusqu’à ce qu’ils soient capables de se nourrir seuls. Pour assurer un approvisionnement en lait à ses clients, un fermier a besoin que ses vaches aient des petits, mais il doit ensuite s’assurer que les veaux ne monopoliseront pas le lait. Dans les laiteries industrielles, une vache laitière vit en moyenne cinq ans avant d’être conduite à l’abattoir. Durant ces cinq années, elle est presque toujours enceinte, et elle est fécondée dans les 60 à 120 jours qui suivent une naissance, pour assurer une production de lait maximale. Ses veaux sont séparés d’elle peu après leur naissance. Les jeunes femelles sont élevées pour en faire la génération suivante de vaches laitières et passent leur enfance isolées dans de petites cages, pour limiter les risques d’infections. Les mâles sont confiés aux soins de la filière-viande.

Alors oui, l’agriculture industrielle veille à satisfaire les besoins matériels des animaux. Toutefois elle n’a aucun véritable intérêt à répondre à leurs besoins émotionnels et sociaux. Résultat : une profonde souffrance, à une échelle encore jamais vue. On peut débattre du fait qu’il s’agisse du plus grand crime jamais commis par l’humanité ; mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’une chose devant laquelle nous ne pouvons pas rester insensibles.

3 )  Qui a domestiqué qui ?
Les savants proclamaient jadis que la Révolution agricole fut un grand bond en avant pour l’humanité. Ils racontaient une histoire du progrès alimentée par l’énergie du cerveau humain. L’évolution produisait peu à peu des êtres de plus en plus intelligents. Les hommes finirent par être si malins qu’ils purent déchiffrer les secrets de la nature, lesquels leur permirent d’apprivoiser les moutons et de cultiver le blé. Dès lors, ils se firent une joie d’abandonner la vie éreintante, dangereuse et souvent spartiate des chasseurs-cueilleurs, pour se fixer et goûter la vie plaisante de fermiers repus.

Tout cela n’est que pure fantaisie. Rien ne prouve que les hommes soient devenus plus intelligents au fil du temps. Les fourrageurs connaissaient les secrets de la nature bien avant la Révolution agricole, puisque leur survie dépendait d’une connaissance intime des animaux qu’ils chassaient ou des plantes qu’ils cueillaient. Loin d’annoncer une ère nouvelle de vie facile, la Révolution agricole rendit généralement la vie des cultivateurs plus difficile, moins satisfaisante que celle des fourrageurs. Les chasseurs-cueilleurs occupaient leur temps de manières plus stimulantes et variées et se trouvaient moins exposés à la famine et aux maladies. Certes la Révolution agricole augmenta la somme totale de vivres à la disposition de l’humanité, mais la nourriture supplémentaire ne se traduisit ni en meilleure alimentation ni en davantage de loisirs. Elle se solda plutôt par des explosions démographiques et des élites choyées. Le fermier moyen travaillait plus dur que le fourrageur moyen, mais se nourrissait moins bien. La Révolution agricole fut la plus grande escroquerie de l’histoire.

Qui en fut responsable ? Ni les rois, ni les prêtres ni les marchands. Les coupables furent une poignée d’espèces végétales, dont le blé, le riz et les pommes de terre. Ce sont ces plantes qui domestiquèrent l’Homo sapiens, plutôt que l’inverse.

Considérez un instant la Révolution agricole du point de vue du blé. Voici dix mille ans, le blé n’était qu’une herbe sauvage, parmi tant d’autres, cantonnée dans une petite partie du Moyen-Orient. À peine quelques petits millénaires plus tard, le voici qui poussait dans le monde entier. Suivant les critères évolutionnistes de base de la survie et de la reproduction, le blé est devenu l’une des plantes qui a le mieux réussi dans l’histoire de la Terre. Dans des régions comme les Grandes Plaines d’Amérique du Nord, où ne poussait pas une seule tige de blé voici dix mille ans, on peut parcourir des centaines et des centaines de kilomètres sans rencontrer aucune autre plante. Les emblavures couvrent autour de 2,25 millions de km2 à travers le monde, soit près de dix fois la superficie de la Grande-Bretagne. Comment, de plante insignifiante, cette herbe est-elle devenue omniprésente ?

Le blé y parvint en manipulant Homo sapiens à son avantage. Il y a près de 10 000 ans ce singe menait encore une vie assez confortable de chasse et de cueillette, mais c’est alors qu’il commença à investir toujours plus d’efforts dans la culture du blé. En l’espace de deux millénaires, les hommes de nombreuses parties du monde ne devaient plus faire grand-chose d’autre, du matin au soir, que prendre soin de leurs plants de blé.

Ce n’était pas facile. Le blé exigeait beaucoup d’eux. Il n’aimait pas les cailloux et les galets, obligeant les Sapiens à se casser le dos pour en débarrasser les champs. Le blé n’aimait pas partager la place, l’eau et les nutriments avec d’autres plantes, si bien qu’hommes et femmes passaient de longues journées à désherber sous un soleil de plomb. Le blé tombait malade, et les Sapiens devaient rester vigilants à l’égard des vers et de la nielle. Le blé était attaqué par les lapins et les essaims de sauterelles, obligeant les cultivateurs à dresser des clôtures et à monter la garde autour des champs. Le blé avait soif, et les hommes creusèrent des canaux d’irrigation ou transportèrent des seaux pour l’arroser. Sapiens recueillit même les excréments des animaux pour nourrir la terre où poussait le blé.

Le corps de l’Homo sapiens n’avait pas évolué à ces fins. Il était fait pour grimper aux pommiers ou courser les gazelles, non pour enlever les cailloux ou porter des seaux d’eau. Ce sont les genoux, la voûte plantaire, la colonne vertébrale et le cou qui en firent les frais. L’étude des anciens squelettes montre que la transition agricole provoqua pléthore de maux : glissement de disques, arthrite et hernies. De surcroît, les nouvelles tâches agricoles prenaient beaucoup de temps, obligeant les hommes à se fixer à côté des champs de blé. Leur mode de vie s’en trouva entièrement changé. C’est n’est pas nous qui avons domestiqué le blé, c’est lui qui nous a domestiqués. Le mot « domestiquer » vient du latin domus, « maison ». Or, qui loge dans une maison ? Pas le blé, le Sapiens.
Comment le blé a-t-il convaincu l’Homo sapiens d’abandonner une assez bonne vie pour une existence plus misérable ? Qu’a-t-il apporté en échange ? 

4) Sommaire de Sapiens une brève histoire de l’humanité
Première partie – La révolution cognitive

1 Un animal insignifiant
Des squelettes dans le placard
Le coût de la pensée
Une race de cuisiniers
Gardiens de nos frères

2 L’arbre de la connaissance
La légende de Peugeot
Contourner le génome
Histoire et biologie

3 Une journée dans la vue d’Adam et Eve
Une société d'abondance originelle
Fantômes qui parlent
Guerre ou paix ?
Voile de silence

4 Le déluge
Coupable !
La fin du paresseux
Arche de Noé

Deuxième partie – La révolution agricole


5 La plus grande escroquerie de l’histoire
Le piège du luxe
Intervention divine
Victime de la révolution

6 Bâtir des pyramides
L'avènement du futur
Un ordre imaginaire
Vrais croyants
Les murs de la prison

7 Surcharge mémorielle
Signé, Kushim
Les merveilles de la bureaucratie
Le langage des chiffres

8 Il n'y a pas de justice dans l'histoire
Le cercle vicieux
Pureté en Amérique
Lui et elle
Sexe et genre
Qu'y a-t-il de si bien chez les hommes ?
Force musculaire
La lie de la société
Gènes patriarcaux

Troisième partie - L'unification de l'humanité

9 La flèche de l'histoire
Satellite espion
La vision globale

10 L'odeur de l'argent
Combien ?
Coquillages et cigarettes
Comment marche la monnaie
L'évangile de l'or
Le prix de la monnaie

11 Visions impériales
Qu'est-ce qu'un empire ?
Empire du mal ?
C'est pour votre bien
Quand eux deviennent nous
Braves types et sales types dans l'histoire
Le nouvel empire mondial

12 La loi de la religion
Réduire au silence les agneaux
Les bienfaits de l'idolâtrie
Dieu est Un
La bataille du Bien et du Mal
Loi naturelle
Le culte de l'homme

13 Le secret de la réussite
L'illusion rétrospective
Clio aveugle

Quatrième partie - La révolution scientifique

14 La découverte de l'ignorance
Ignoramus
Le dogme scientifique
Savoir, c'est pouvoir
L'idéal du progrès
le projet Gilgamesh
Le papa-gâteau de la science

15 Le mariage de la science et de l'empire
Pourquoi l'Europe
La mentalité de la conquête
Cartes vides
Invasion de l'espace extérieur
Araignées rares et écriture oubliées

16 Le credo capitaliste
Un gâteau croissant
Christophe Colomb à la recherche d'un investisseur
Au nom du capital
Le culte du marché
L'enfer capitaliste

17 Les rouages de l'industrie
Secret de cuisine
Un océan d'énergie
La vie sur le tapis roulant
L'âge du shopping

18 Une révolution permanente
Temps modernes
L'effondrement de la famille et de la communauté
Communautés imaginaires
Perpetuum mobile
La paix aujourd'hui
Retraire impériale
Pax atomica

19 Et ils vécurent heureux
Comptabiliser le bonheur
Bonheur chimique
Le sens de la vie
Connais-toi toi même

20 La fin d'Homo sapiens
Des souris et des hommes
Le retour de Néandertal
Vie bionique
Une autre vie
La singularité
La prophétie de Frankenstein
Epilogue - Un animal devenu dieu ?
Remerciements
Chronologie
Cartes
Tables des illustrations
Tables des matières

Éthologie.
 
L'espèce humaine est une espèce de vivant parmi plusieurs millions. Nous n'accédons qu'aux vivants qui existent sur la Terre et ils n'en représentent qu'un poids négligeable. 
 
La Terre c'est 0,01% du système solaire et des systèmes solaires il y en a  des trilliards de trilliards de trilliards (André Brahic - Enfants du soleil). 
 
C'est l'effet de loupe provoqué par l'existence de 7 milliards d'humains en communication permanente et en synergie qui fait croire à un humain qu'il est le roi de l'univers. 
 
Dans quelques millions d'années, il n'y aura plus d'humain: sa communication et sa synergie auront disparu. 
 
Ce qui est tangible: Y Harari est professeur et il vend beaucoup de livres. Mais il n'est qu'un humain parmi les 108 milliards qui ont vécu depuis 70 000 ans. Ne parlons pas de ce qu'il représente par rapport à l'Univers dont il parle avec une grande aisance.
 
 





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