mardi 29 décembre 2015

Annexe 10 - Les Ressources de vie chez Saint Dominique et la Sainte Inquisition

 Les Ressources de vie chez Saint Dominique et la Sainte Inquisition



Dominique de Guzmán

Dominique de Guzmán (Domingo Núñez de Guzmán), né vers 1170 en Espagne (7 millions d'habitants) dans un milieu aisé et mort le 6 août 1221 à Bologne ( à 51 ans) ( 8 millions d'habitants en Italie) , est un religieux catholique, fondateur de l'ordre des frères prêcheurs appelés couramment « dominicains ». Canonisé par l'Église en 1234 ( 13 ans après sa mort), il est célèbre sous le nom de saint Dominique. Autrefois fêté le 4 août puis le 6 août jour de sa « naissance au ciel », il est fêté le 8 août depuis le Concile Vatican II.

Biographie

Dominique est né à Caleruega, dans l'actuelle province de Burgos, dans la Vieille-Castille à 80 kilomètres de Burgos.
Dans la source la plus ancienne relative à la vie de Saint Dominique, le Libellus de principiis Ordinis Praedicatorum (Petit livre sur les débuts de l’Ordre des Prêcheurs, récit hagiographique du dominicain Jourdain de Saxe), le nom de ses parents n’est pas indiqué. L’absence de cette mention peut s’expliquer par le fait que Jourdain de Saxe ne prétend pas donner une biographie du saint mais plutôt, comme le titre de l’œuvre l’indique, exposer l’histoire des débuts de l’ordre dominicain.
Le second biographe de Saint Dominique, Pierre Ferrand (parfois identifié à Petrus Hispanus (en)), auteur d’une Legenda Sancti Dominici se borne à indiquer que son père se nommait Felix et sa mère Jeanne (Juana). Ce n’est qu’au début du XVe siècle qu’apparaît l’indication selon laquelle Dominique aurait appartenu à la prestigieuse famille des Guzman, ducs de Medina Sidonia. Cette information est contenue dans un récit de Pero Tafur, Andanças e Viajes (Voyages et Aventures, 1435-1439), qui est lui-même dédié à Don Fernando de Guzman, commandeur de l’Ordre de Calatrava. L’auteur, passant à Bologne, indique que le saint y est enterré et qu’il était de la famille des Guzmân par son père, Félix de Guzmân. Le rattachement de Saint Dominique à cette lignée nobiliaire n’est pas autrement prouvé. La tradition dominicaine grandit également sa naissance par sa mère, Jeanne d'Aza (en) qui serait de haute noblesse.
L'hagiographie du dominicain Thierry d'Apolda (en) précise que le couple Guzmân a trois fils connus qui deviennent tous prêtre.
Selon la légende qui a servi de récit à la naissance de plusieurs naissances de saints (saint Ambroise, saint saint Isidore, Jean Chrysostome), après avoir été en pèlerinage à l'abbaye Saint-Dominique de Silos, la mère de Dominique (Dominicus en latin, ce qui signifie celui qui appartient au Seigneur) aurait vu en songe, pendant sa grossesse, un chien tenant une torche allumée dans la gueule, pour éclairer le monde. Ce songe résume la vie du futur saint dont le prénom a été choisi en référence à l'abbé Dominique de Silos vénéré par sa mère, avec de plus un jeu de mot en latin sur les futurs dominicains, dominicanes (les chiens du Seigneur). Jourdain précise : « Une vision le montra à sa mère portant la lune sur le front ; ce qui signifiait évidemment qu'il serait un jour donné comme lumière des nations, pour illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres à l'ombre de la mort ». Jourdain de Saxe ajoute que : «  Les parents de l'enfant, et particulièrement un certain archiprêtre, son oncle, s'occupèrent avec soin de son éducation et le firent dès le début instruire à la manière ecclésiastique ».
Après des études de lettres (notamment le latin pour en faire un lecteur) chez un oncle maternel ecclésiastique, Dominique est envoyé à quatorze ans à l'université de Palencia pour étudier la théologie et la philosophie. Repéré par le prieur du chapitre des chanoines réguliers d'Osma, il entre à l'âge d'environ 25 ans, en 1196, comme chanoine dans cette communauté en plein réforme à l'époque de la part du prieur qui veut y imposer la Règle de saint Augustin. Selon l'hagiographie dominicaine, il se distingue de bonne heure par la ferveur de son zèle et par son talent pour la prédication : « Aussitôt celui-ci se mit à briller parmi les chanoines comme l'étoile du berger, le dernier par l'humilité du cœur, le premier par la sainteté. Il devint pour les autres le parfum qui conduit à la vie, semblable à l'encens qui embaume dans les jours d'été. Chacun s'étonne de ce sommet si rapidement et si secrètement atteint dans la vie religieuse ; on le choisit pour sous-prieur, jugeant qu'ainsi placé sur un piédestal élevé, il verserait à tous les regards sa lumière et inviterait chacun à suivre son exemple ». Dominique apparaît effectivement dans une charte datée du 13 janvier 1201 avec la qualité de sous-prieur du chapitre d'Osma.
En 1203, Dominique accompagne son évêque, Diego de Acebo, chargé par le roi Alphonse VIII de Castille d'une ambassade auprès du roi de Danemark afin d'obtenir une princesse en mariage pour l'infant.

Contre l'hérésie des "bons hommes" ou "bons chrétiens"

Traversant ce qu'on appelle aujourd'hui l'Occitanie, Dominique y rencontre l'hérésie des "bons hommes" ou "bons chrétiens" (dite à tort cathare par certains historiens depuis milieu du XXe siècle). Certains des éléments qui déclencheront la Réforme protestante sont déjà présents à cette époque. La richesse de l'Église, en particulier, fait scandale parmi des chrétiens qui finissent par se laisser séduire par les idées des vaudois et des "bons hommes".
Jusqu'à la fin du XIIe siècle, les papes avaient tenté d'enrayer le phénomène sur deux plans : des campagnes militaires menées par des évêques dont les victoires sanglantes restaient sans lendemain et des prêches menés avec faste par les cisterciens avec saint Bernard à leur tête comme ce fut le cas à Albi en 1145. Ici aussi sans résultat. L'Église ne parvient pas, à cette époque, à contrer l'hérésie adoptée par une partie du peuple tandis que les théologiens adverses allient à leur culture religieuse un style de prêche qui touche les petites gens. L'hérésie est finalement condamnée en 1184, confondant les deux mouvements pourtant distincts.
À son retour du Danemark, après un deuxième voyage en 1205, Dominique passe par Rome et Cîteaux, puis s'arrête en Languedoc, apparemment résolu à combattre l'hérésie à la demande du pape Innocent III . Alors qu'il voulait avec son évêque Diego de Acebo évangéliser les Coumans d'Ukraine, il aurait reçu l'ordre du pape d'assister les cisterciens qui tentaient en vain de rechristianiser les albigeois. Pour concurrencer une institution cathare comparable, Dominique établit à Prouille dès 1206 le premier monastère de femmes (noyau des futures dominicaines), en utilisant l'ancienne église et quelques dépendances, dont la majeure partie est donnée par Guillaume et Raymonde Claret. En 1207 Dominique fait partie du colloque de Pamiers, appelé aussi « colloque de Montréal » qui est le dernier débat contradictoire entre les cathares et l'Église. Le légat Arnaud Amaury lui fixe une « diète13 », territoire à évangéliser autour de Prouille, avec notamment les places fortes cathares de Fanjeaux et Montréal. Saint Dominique reçoit une apparition de la Vierge en 1208 à Prouille qui se montre à lui sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Les Dominicains sont dès le début d'ardents propagateurs du rosaire, méthode de méditation sur la vie du Christ.
L'assassinat du légat du pape, le cistercien Pierre de Castelnau, imputé à Raymond VI de Toulouse, déclenche en 1209 la croisade des Albigeois et Dominique suit les croisés dans les places conquises cherchant à obtenir des conversions.

Le 25 avril 1215 il s'établit à Toulouse, avec quelques proches, dans des bâtiments donnés par Pierre Seila (ou Pierre Seilhan), visibles aujourd'hui au 7, place du Parlement. L'installation dans une ville a pour premier but d'étudier, Dominique bénéficiant des leçons d'un maître, son ordre accompagnant la création de l'Université de Toulouse. Foulques, évêque de Toulouse, collaborateur de Dominique depuis 1206, les autorise à prêcher dans tout le territoire de Toulouse. Au mois de novembre, Dominique et Foulques sont à Rome, au IVe concile du Latran : là, avec le pape Innocent III, ils projettent l'établissement d'un ordre des Prêcheurs, moines qui s'engagent à la pauvreté et la prédication mais après une solide formation doctrinale pour mieux réfuter les hérésies.
À la même époque, Simon de Montfort, à la tête d'une armée de croisés, extermine les Albigeois par le fer et par le feu (1205-1215). Dominique opère un grand nombre de conversions par la seule persuasion ; il ne prend aucune part à la guerre, ne voulant d'autres armes que la prédication, la prière et les bons exemples.

Fondation de l'ordre des Prêcheurs


Ainsi, et peut-être inspiré par le tout récent ordre mendiant de François d'Assise, Dominique fonde en 1216 l'ordre des Prêcheurs, mieux connu aujourd'hui sous le nom de Dominicains qui seront, à l'inverse des Franciscains invités à s'instruire sans relâche. Un an avant la constitution officielle de l'ordre, Innocent III demande à Dominique de s'inscrire dans une tradition existante. Une règle inspirée de celle de saint Augustin sera choisie, et c'est le pape suivant Honorius III, qui autorise l'établissement de l'ordre en décembre 1216 selon certains ou en janvier 1217.
Le 15 août 1217, Dominique disperse ses seize premiers frères qui se fixent dans les villes universitaires (Bologne, Paris, Toulouse, Oxford, Cologne) où la qualité de leur enseignement leur permet de briguer rapidement les chaires de faculté. Il répond ainsi à la recommandation du quatrième concile du Latran qui invite les évêques à doter leurs diocèses de prédicateurs instruits. Au chapitre de Bologne (1220), Dominique donne ses premières structures à l’ordre des frères prêcheurs. À sa tête est placé un maître général auquel sont soumis tous les prêcheurs. Un chapitre général est réuni tous les ans, élaborant les règlements de l’ordre et disposant du pouvoir judiciaire. La règle de l’ordre est celle des chanoines de saint Augustin. Elle accorde une large place à la prière liturgique et à la méditation. L’ordre ne doit avoir ni revenus, ni propriétés, et doit pratiquer la mendicité conventuelle. Seule est admise la possession du couvent par la communauté et de livres par chacun des frères. Chaque couvent se transforme en maison d’étude (studium) et chaque province dispose de centres d’études biblique et théologique.
Il emploie ses dernières années à répandre son institut, qui bientôt compte de nombreux couvents en France, en Italie, en Espagne.
Le , Dominique meurt à Bologne après une longue maladie. Il est canonisé le 3 juillet 1234 par Grégoire IX, qui fixe sa fête au 4 août (un an avant que l'ordre fondé par Dominique ne soit impliqué par le pape dans une nouvelle méthode de lutte contre l'hérésie : l'Inquisition), la date du 6 août étant réservée à la fête de la Transfiguration et celle du 5 à la fête de Notre Dame des neiges17.

Rôle historique

S. Dominique, "Marteau des hérétiques", et l'Inquisition


La tradition lui a donné le titre de "Marteau des hérétiques", ou "Marteau des hérésies", qu'il partage avec S. Antoine de Padoue. Certains le regardent comme le premier inquisiteur, et disent qu'il fut chargé d'exercer ces fonctions dans le Languedoc. Dans son Histoire de France, Jules Michelet, historien positiviste, veut voir en lui le « terrible fondateur de l'Inquisition ». Les Dominicains eux-mêmes, au Moyen Âge, ont accrédité cette légende : Bernard Gui, l'un des plus célèbres inquisiteurs, qualifie Dominique de « premier inquisiteur » dans une biographie du fondateur. Un tableau de Pedro Berruguete montre Dominique devant un autodafé et prêt à envoyer des hérétiques au bûcher — tableau sans doute à la gloire de Dominique, le peintre ayant réalisé plusieurs tableaux à la demande de Tomás de Torquemada. En réalité, Dominique est mort en 1221, date à laquelle l'Inquisition n'existait pas encore, et ne combattit jamais que par le prêche. La première personne à porter le nom d'inquisiteur, Conrad de Marbourg, reçoit ce titre en 1231.
La « légende noire » qui provient de cette erreur historique est, selon Michel Roquebert, d'autant plus dommageable à Dominique qu'elle a été forgée par les Dominicains eux-mêmes à une époque où ils s’enorgueillissaient de combattre l'hérésie.

Dévotion au rosaire

La dévotion au Rosaire fut répandue par le bienheureux Alain de la Roche, disciple et frère de Dominique de Guzman.

Éthologie.

1) En 71 200 après la sortie de 100 000 humains d'Afrique, il y en a 68 millions en Europe dont 7 millions en Espagne et 8 millions en Italie. Sur les 7 millions d'Espagnols il y a une majorité de catholiques, une minorité de juifs et une minorité de musulmans. Ils sont classés par religion car c'est sur cette base que se définit leurs rapports aux ressources de vie. En réalité ce sont trois groupes qui étaient disjoints à leur origine. L'inquisition est la manière dont le groupe le plus important impose sa quête de ressources de vies aux deux autres groupes. 


2) Les humains sont des animaux sociaux. La quête des ressources de vie se fait  à l'intérieur d'un groupe où l'on trouve les sous-groupes des dirigeants - peu nombreux - , des organisateurs - plus nombreux - et des opérateurs - la grande majorité -. 
Cela se fait en deux temps: le temps de la contribution et le temps de la rétribution. La contribution de chaque sous-groupe est spécifique: le dirigeant dirige, l'organisateur organise et l'opérateur réalise. Sans dirigeant, il n'y a pas de groupe: sa contribution est vitale. Sans organisateur, la contribution du groupe est peu efficace. Un opérateur est interchangeable: sa contribution est unitaire. Plus il y a d'opérateurs, plus il y a de ressources. Une fois que les ressources existent, intervient la phase de rétribution. Ce sont les dirigeants qui donnent les clefs de répartition et les organisateurs qui les mettent en place. La concurrence est sévère car chaque humain en veut le maximum. La répartition se fait en fonction du rapport de force. Elle est pacifique s'il n'y a aucun risque de disparition pour l'un des membres du groupes. Elle est cruelle si pour certains humains il y a risque de disparaitre étant donné son insuffisance.

Les groupes sont exclusifs. Ils augmentent, restent stables ou diminuent en fonction de la disponibilité des ressources de vie. 

3) En cas d'augmentation, ils arrivent que deux groupes se rejoignent. Deux situations se présentent: les deux groupes sont égaux ou un groupe l'emporte sur un autre. 

Cas de deux groupes égaux.
Chaque groupe peut être en phase de croissance (GC), de stabilisation (GS) ou de décroissance (GD).  Il y a donc 9 situations possibles avec un résultat particulier à chaque fois

G1GC/G2GC: guerre
G1GC/G2GS: G1GC vainqueur probable
G1GC/G2GD: G1GC vainqueur certain

G1GS/G2GC: G2GC vainqueur probable
G1GS/G2GS: guerre
G1GS/G2GD: G2GC vainqueur probable

G1GD/G2GC: G2GC vainqueur certain
G1GD/G2GS: G2GC vainqueur probable
G1GD/G2GD: guerre

Cas de deux groupes inégaux.
Le Groupe le plus important est vainqueur à tous les coups. Il utilise la concurrence pacifique ou la concurrence cruelle selon le choix de concurrence faite par le groupe le moins important.

Le nombre de juifs et de musulmans tués est beaucoup moins important que le nombre de ceux qui sont convertis de force. Le groupe la plus fort utilise l'inquisition pour imposer sa rétribution. Tous les humains sont en quête de ressources de vie pour vivre. Tous les actes des humains se font au nom de la justice car le but des vivants c'est de vivre.


Inquisition médiévale

L’Inquisition médiévale est un tribunal ecclésiastique d'exception chargé de lutter contre les hérésies. Elle est introduite devant les tribunaux ecclésiastiques par le pape Innocent III en 1199 et atteint son apogée lors de la répression du catharisme, à la suite de quoi son activité décline, concurrencée par les juridictions nationales.
L'Inquisition se caractérise avant tout par la procédure à laquelle elle recourt : l’inquisitio, par laquelle le juge peut entamer une action d'office, par opposition à l’accusatio, dans laquelle le juge n'instruit un dossier qu'à la suite d'une accusation. Pour autant, l’inquisitio n'est pas réservée à l'hérésie : par exemple, les procès concluant à la nullité des mariages d'Henri VIII d'Angleterre relèvent tous de cette procédure.
Au XVe siècle, l'Inquisition médiévale disparaît et est remplacée par d'autres formes d'inquisition  : l'Inquisition espagnole, l'Inquisition portugaise et l'Inquisition romaine, le Saint-Office.

Naissance

Les premiers Inquisiteurs

L'Inquisition médiévale est introduite devant les tribunaux ecclésiastiques par le pape Innocent III en 1199. En février 1231, Grégoire IX publie la constitution Excommunicamus, qui prescrit la détention à vie pour les hérétiques repentis et la peine de mort pour les hérétiques obstinés. La même année, il confirme Conrad de Marbourg dans son rôle de commissaire pontifical en Rhénanie et l'autorise à recourir à la procédure inquisitoire. Cette nomination et l'établissement d'une institution judiciaire sont officialisés par la bulle Ille humani generis (20 avril 1233), qui retire aux tribunaux ecclésiastiques la compétence contre les hérétiques lorsqu’un tribunal d'inquisition existe. La même année, une mission similaire à celle de Conrad est confiée à Robert le Bougre, qui met à profit son expérience d'ancien « parfait » cathare pour poursuivre ses anciens frères ; en 1235, il est nommé inquisiteur général du royaume de France. Son zèle est tel qu'il entre en conflit avec les tribunaux ordinaires : à l'instigation de plusieurs évêques, il est relevé de ses fonctions.
D'un point de vue canonique, les inquisiteurs sont des commissaires pontificaux, spécialement chargés de lutter contre l'hérésie et censés collaborer avec les évêques. La délégation pontificale rend théoriquement impossible le traditionnel appel au pape, prohibé par Excommunicamus — au reste, cet appel est traditionnellement dénié dans les cas d'hérésie. Le mandat est d'abord limité au pontificat du pape ayant nommé l'inquisiteur. En 1267, Clément IV le rend perpétuel (mais toujours révocable). Parallèlement, il existe des commissions temporaires.
Cependant, les évêques n'ont pas été dessaisis de leurs prérogatives en matière d'hérésie, non plus que les légats : sur un même territoire, ces différents dispositifs peuvent coexister et donc se recouvrir, entraînant ainsi des querelles de juridiction. Autre conséquence, l'inquisition se définit par la présence d'un inquisiteur, il est vain de vouloir définir des juridictions bien délimitées géographiquement. On peut seulement relever l'existence de centres inquisitoriaux importants comme dans le sud de la France, Toulouse et Carcassonne. Enfin, il n'existe pas une seule Inquisition, au sens d'une administration cohérente, mais de nombreux tribunaux inquisitoires, distincts et ne coopérant pas les uns avec les autres.
En 1232, la nouvelle institution s'étend en Aragon et à partir de 1235, en Italie centrale, puis en Lombardie. En France, elle s'introduit d'abord par le Nord, en avril 1233, avant de pénétrer en Languedoc en 1233-1234 avec l'établissement de deux tribunaux fixes d'Inquisition : l'Inquisition n'a donc pas eu pour but premier la lutte contre les cathares.
L'Inquisition se heurte initialement à la volonté des princes de mener eux-mêmes la lutte contre les hérétiques. Dès le départ, certains avaient tout bonnement refusé son intervention : en Espagne, seul l'Aragon l'avait accepté. En Scandinavie, l'Inquisition est quasiment absente. En Angleterre, la répression contre les Lollards — disciples de John Wyclif — reste l'affaire du roi et du clergé anglais. La République de Venise préfère également régler elle-même le sort de ses hérétiques. En France, en Aragon, dans certaines parties de l'Italie et du Saint-Empire, ainsi que dans les Pays-Bas, au contraire, les princes appuient l'Inquisition dès le début, lui permettant ainsi de travailler efficacement. Au fil du temps, la collaboration entre les deux acteurs se renforce.

Dominicains et franciscains

La plupart du temps, les inquisiteurs sont choisis dans les nouveaux ordres religieux, dominicain et franciscain. Ceux-ci sont précisément fondés à l'époque, et leur expansion géographique est encore restreinte autour de leur aire d'origine. En Italie, l'Inquisition revient plutôt aux franciscains — François, le fondateur, est d'Assise ; dans le Midi, la répression est confiée au tout nouvel ordre des dominicains : la naissance de l'ordre en terre cathare et l'action de Dominique de Guzmán contre les hérétiques expliquent ce choix. Dominique lui-même, contrairement à une légende que les dominicains eux-mêmes ont contribué à entretenir, n'est pas « le premier inquisiteur » : d'abord, il quitte le Languedoc dès 1216 pour se consacrer à l'institution de son ordre ; ensuite, il meurt dix ans avant l'institution de la fonction. Contrairement aux bénédictins traditionnels de l'époque, ces ordres sont spécialisés dans une fonction — la prédication —, ils ne sont pas soumis au vœu de stabilité locale — pas de clôture — et n'ont pas charge d'âme, c’est-à-dire de responsabilité territoriale. Les dominicains en particulier ont pour vocation de prêcher et bénéficient d'une solide formation intellectuelle : ce sont des théologiens. Les deux ordres sont des « ordres mendiants », qui vivent des quêtes faites aux sermons et non du revenu de leur terre, ce qui leur attire la sympathie populaire : vivant pauvrement, ils sont mieux vus de la population que les riches bénédictins ou chanoines.
Compte tenu de leur compétence théologique, de leur vocation à être près du peuple, et de leur bonne image dans la société médiévale, le pape choisit préférentiellement dans leurs rangs ses représentants pour en faire des juges de l'Inquisition. Pour pouvoir se consacrer pleinement à leur tâche, ils sont fréquemment relevés de certaines des obligations que leur règle leur impose, comme celle de vie conventuelle.
Cependant, des chanoines réguliers sont également employés à l'office d'inquisiteur : ainsi, Conrad de Marbourg est un prémontré. En outre, de 1249 à 1255, ce sont des membres du clergé séculier qui dirigent le tribunal de Toulouse. L'expression « Inquisition monastique » est donc un abus de langage5.

Apogée

La fin du catharisme

Le XIIIe siècle voit l'apogée de l'Inquisition. En France, elle mit fin à l'hérésie cathare, non sans mal. Le quadrillage de la population du Midi aboutit à la mise en fiche d'une grande partie de celle-ci. Ainsi, l'inquisiteur Bernard de Caux interroge 5 471 personnes sur seulement deux archidiaconés du diocèse de Toulouse ; à Mas-Saintes-Puelles, 420 personnes doivent se soumettre à enquête.
Les enquêtes menées par les inquisiteurs provoquent des craintes populaires. Dans ce contexte de violence, la population et la noblesse n'hésitent pas à éliminer physiquement les inquisiteurs. Le massacre le plus célèbre est celui d'Avignonet, aboutissement d'une longue période de contestation de l'Inquisition dans le Midi. Une première crise a lieu à la fin de 1235, quand la population expulse l'inquisiteur dominicain Guillaume Arnaud, puis l'ensemble des dominicains. De retour en 1236, ceux-ci se retrouvent impuissants face au mutisme de la population, à l'inertie des autorités municipales et au manque de soutien du pape occupé par ailleurs. En 1241, les inquisiteurs partent en tournée ; en mai 1242, ils s'installent dans le château d'Avignonet. Le 28 mai 1242, ils y sont assassinés par des chevaliers cathares menés par Pierre-Roger de Mirepoix. Épouvanté par le massacre, le concile de Béziers, tenu en 1243, décide de faire tomber la place forte cathare de Montségur. Lorsque la forteresse se rend en 1244 aux croisés, la volonté de représailles explique la rigueur exceptionnelle de la répression : près de deux cents cathares sont brûlés.
De 1250 à 1257, l'Inquisition parachève son travail dans la région et met fin à l'hérésie cathare, non sans douleur : elle brûle 21 personnes et en condamne 239 au « mur étroit » (détention avec port d'entraves, au pain et à l'eau). Le dernier éclat de violence a lieu dans la cité-État de Sirmione, en Lombardie, accusée en 1273 de cacher un évêque cathare : deux cents de ses habitants sont envoyés au bûcher par les autorités civiles. Un des derniers bûchers pour hérésie est celui de Pierre Autier, brûlé en 1310. Les derniers croyants, comme le berger Peire Maury de Montaillou, seront mis au « mur étroit » en 1318 par l'évêque inquisiteur cistercien Jacques Fournier, futur pape Benoît XII. À Villerouge-Termenès, Bélibaste, qui se revendique comme un des derniers dignitaires des Églises cathares, est brûlé en 1321. Les derniers bûchers sont attestés en 1328 à Carcassonne.

Des prérogatives étendues

La papauté est déterminée à donner à l'Inquisition les moyens d'agir efficacement : pour ce faire, elle la libère des tutelles traditionnelles. Elle est conçue comme une institution rattachée directement au pape, et non à la Curie romaine ou aux évêques. Alexandre IV (1254-1261) la soustrait également à la tutelle des légats pontificaux — le privilège sera étendu à tous les inquisiteurs en 1265. Mieux encore, Alexandre IV autorise les juges toulousains à se relever mutuellement de l'excommunication qui pèse sur les clercs répandant le sang, sans besoin de dispense pontificale ; l'autorisation est étendue à tous les inquisiteurs en 1262 par Urbain V14.
Parallèlement, les prérogatives de l'Inquisition s'élargissent. Outre les cathares et les vaudois, elle est appelée à combattre des éléments de plus en plus divers : l'apostasie de juifs et musulmans convertis ou encore la sorcellerie, laquelle leur est assignée formellement en 1326 par Jean XXII dans la bulle Super illius specula. Mais on appelle aussi hérétiques les schismatiques à l'occasion de la lutte contre Frédéric II ou, au XIVe siècle, du Grand Schisme d'Occident — ou encore ceux qui refusent de payer les dîmes. La frontière se brouille également entre indiscipline et hérésie : Jean XXII appelle l'Inquisition contre les Spirituels, dissidents de l'ordre des franciscains, puis les béguins.
Les prérogatives croissantes de l'Inquisition et l'allègement constant de la tutelle qui devrait s'exercer sur elle expliquent la toute-puissance de l'institution au XIIIe siècle : les inquisiteurs prennent l'habitude de travailler seuls, sans rendre de comptes, permettant ainsi des abus.

Premières difficultés

Dans le même moment, l'Inquisition est confrontée à des difficultés. Beaucoup d'évêques n'apprécient guère son irruption dans un champ qui leur était auparavant réservé : les papes émettent à plusieurs reprises des rappels à l'ordre. Ainsi, en 1279, Nicolas III condamne l'évêque de Padoue, coupable de manque de zèle dans sa coopération avec les inquisiteurs. L'attitude de la papauté elle-même est rien moins que constante : dès 1248, par exemple, Innocent IV tente de rétablir une tutelle sur eux, plaçant ceux de la région d'Agen sous le contrôle de l'évêque du diocèse, en 1248. Outrés de cette atteinte à leur liberté d'action, les juges dominicains se démettent. En outre, des rivalités entre les deux ordres mendiants se font jour : en 1266, à Marseille, les dominicains accusent les inquisiteurs franciscains et produisent des témoins qui s'avèrent être parjures. Le pape doit intervenir pour rétablir l'ordre. Au sein des ordres eux-mêmes, enfin, la vie particulière menée par les religieux inquisiteurs ne satisfait pas toujours les hiérarchies : ainsi, les chapitres provinciaux dominicains tentent de faire respecter à leurs inquisiteurs leur vœu de pauvreté, en leur imposant de se déplacer simplement, à pied1.
L'Inquisition se heurte également à des oppositions ponctuelles dans la population. Outre les assassinats d'inquisiteurs en terre cathare, il faut mentionner celui de Conrad de Marbourg dès juillet 1233. En Italie, Pierre de Vérone, inquisiteur à Milan, est assassiné le 6 avril 1252. Surnommé « saint Pierre Martyr », il fera l'objet d'une dévotion importante à partir de la Renaissance et deviendra le modèle des inquisiteurs, bien qu'il n'ait occupé ce poste que quelques mois. Sa canonisation très rapide (en moins d'un an) témoigne du soutien apporté alors par Innocent IV à ses inquisiteurs. De même, celui-ci déploie des efforts importants pour traquer tous les coupables et adresse au chapitre général de l'ordre une lettre encourageant les dominicains à poursuivre leur tâche et à ne pas craindre le martyre. Ces massacres, ponctuels mais saisissants pour l'opinion publique, témoignent du climat difficile dans lequel l'Inquisition est amenée à travailler, et de l'atmosphère obsidionale dans laquelle se meuvent ses juges. Ils expliquent également la rigueur des premières procédures. Cependant, l'Inquisition n'aurait pu fonctionner sans le consentement global des populations concernées qui souvent, se réjouissent de la punition des hérétiques. Ainsi, les grands bûchers du Midi de la France ne sont pas l'œuvre de l'Inquisition, mais celle des croisés et autres « pèlerins ».

L'Inquisition et les Templiers

Entre les années 1307 et 131119 l’Inquisition, aidée par le roi de France Philippe IV le Bel et le pape Clément V, a participé au procès contre les Templiers qui étaient accusés des actes d’hérésie20.

Le rôle du roi

L’étendue de l’influence de Philippe IV le Bel sur les actions de l’Inquisition n’est pas claire, mais on sait qu’il eut beaucoup de « raisons » politiques et matérielles pour vouloir faire disparaître les Templiers. Les Templiers étaient riches, privilégiés et puissants. Ils répondaient seulement au pape et n’étaient pas sous le contrôle du roi. Le roi leur devait beaucoup car dans l’année 1299 ils lui avaient prêté 500 000 livres pour la dot de sa sœur. Aussi, ils l’ont protégé d’une foule après qu’il avait dévalué la monnaie. Il pourrait avoir cru que les Templiers étaient coupables parce que dans l’année 1305, il entendit d’Esquieu de Floyran (qui n’avait pas réussi de vendre ses rumeurs à Jacques II d'Aragon) 24 que les Templiers pratiquaient des rites scandaleux. Cependant, Philippe IV le Bel avait désespérément besoin d’argent. Comme il avait déjà pillé les Juifs et les Lombards, il croyait pouvoir faire la même chose aux Templiers. Ce roi est aussi connu comme « le roi des procès ».

Les arrestations

Le 14 septembre 1307 Philippe IV le Bel a donné des ordres secrets pour l’arrestation simultanée des Templiers à ses baillis et à ses sénéchaux partout en France, qui auraient lieu le 13 octobre 1307 Frère Guillaume de Nogaret, l’inquisiteur de France, confesseur et conseiller du roi et aumônier papal, fut responsable des arrestations. Les Templiers, qui se sentaient en sécurité dans leur innocence se sont laissés prendre sans résistance Le pape Clément V n’aimait pas que le roi soit intervenu parce que les Templiers étaient sujets immédiats de l’Église. Clément V avait écrit à Philippe IV le Bel avant les arrestations, disant que les accusations semblaient être impossibles et que l’Ordre du Temple voulait une enquête pour prouver son innocence. Les actions suivantes du pape sont les résultats de la pression de l’influence dominatrice de Philippe IV de France et du scandale public.

Les accusations

Les Templiers furent inculpés par l’Inquisition de 127 accusations d’hérésie, du blasphème, des pratiques religieux indécents et d’autres défauts religieux. Quelques exemples d’accusation sont :
  • d’avoir renoncé au Christ
  • d’avoir craché sur la croix
  • des baisers indécents
  • d’actions homosexuelles
  • de blasphème
  • d’avoir cessé de célébrer la messe
L’Inquisition se concentrait sur les péchés sexuels, alors ils pensaient avoir raison de faire une enquête mais ils employèrent des méthodes inappropriées.

La torture et les confessions

Dès le 15 mai 1252, la bulle Ad extirpanda a autorisé les inquisiteurs à utiliser la torture et l’effusion de sang. Les Templiers avouèrent les accusations pour arrêter la torture et pour se sauver de la mort En effet, il y eut de nombreuses morts et des suicides à cause de la torture. La majorité était détenue dans des prisons dans des conditions déplorables. Leur seule forme de nutrition était des vieux pains rassis et un peu d’eau. Les cellules étaient bâties en pierre et les prisonniers étaient enchaînés aux murs. La dislocation des articulations, la brûlure des extrémités et la mutilation, pour nommer juste quelques-unes des formes de torture étaient fréquemment employées à l’époque. Même la menace de torture a tiré des confessions. Les archives montrent une corrélation distincte entre l’utilisation de la torture et les confessions; le baiser indécent fut souvent avoué par la torture en France et en Italie, mais pas du tout en Angleterre où la torture était interdite. Il n’y eut de confessions qu’après que l’Inquisition papale fut venue prendre contrôle, introduisant la torture. Le fait qu’une confession devait être spontanée ne posait pas de problème; l’Inquisition forçait les confessions des Templiers qui seraient amenés au pape où ils avoueraient les accusations « librement ».

La défense et la fin

Dès que la menace de torture fut « enlevée » en 1310, presque 600 Templiers, dont beaucoup avaient déjà avoué les accusations, sont venus défendre l’Ordre du Temple. Le 7 avril, neuf députés menés par Peter de Bologna et Reginald de Provins ont donné la défense de l’Ordre. Cet effort de défense se délita après une démonstration par Philippe IV le Bel. Selon le droit canon, si quelqu’un rétracte sa confession, il peut être torturé encore ou brûlé comme hérétique relaps. 54 de ces 600 défendeurs avaient rétracté leur confession et ont été condamnés sans procès et puis brûlés (Barber). Le grand maître Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay furent brûlés en mars 1314 pour le même crime; étant des hérétiques relaps ou pour la rétraction de leur confession.

Le déclin

Efficacité ou contrôle ?

Très tôt, la papauté intervient ponctuellement pour assurer un meilleur contrôle de l'activité des inquisiteurs: 12 ans après avoir nommé les premiers inquisiteurs, dès 1248, par exemple, Innocent IV tente de rétablir une tutelle sur eux, plaçant ceux de la région d'Agen sous le contrôle de l'évêque du diocèse, en 1248. Cependant, les inquisiteurs considèrent qu'un tel contrôle va à l'encontre de l'efficacité de leur action. Outrés de cette entrave mise à leur mission, les juges dominicains se démettent.
Après l'apogée de la seconde moitié du XIIIe siècle, l'accumulation des requêtes dénonçant des abus persuade la papauté d'entreprendre une réforme d'ensemble. Clément V confie en 1306 une enquête concernant les inquisiteurs de Carcassonne à deux cardinaux, Béranger Frédol et Pierre Taillefer de La Chapelle41. En 1311-1312, à la suite du concile de Vienne, il promulgue les constitutions Multorum querela et Nolentes, qui prescrivent la collaboration avec l'ordinaire pour les actes les plus importants de la procédure : recours à la torture (déjà autorisée depuis 1252, bulle Ad Extirpenda), sentence, contrôle des prisons, etc. Ici encore, l'Inquisition proteste contre ces nouvelles règles, le célèbre inquisiteur Bernard Gui dénonçant leur caractère selon lui contre-productif. En 1321, Jean XXII doit réitérer les règles dans sa constitution Cum Mathaeus.
Par la suite, l'évolution ira toujours vers plus de contrôle de l'inquisiteur, et une intégration croissante au fonctionnement judiciaire local. Progressivement, l'Inquisition devient une annexe du tribunal ecclésiastique, dont l'inquisiteur devient progressivement le procureur général avant la lettre.

Dessaisissement

Au XIVe siècle, l'attitude change : forts du développement de la centralisation et des administrations, les princes entendent contrôler eux-mêmes l'Inquisition. En 1302 et 1304, Philippe le Bel se pose comme arbitre dans le conflit qui oppose la population du Languedoc et l'Inquisition de Carcassonne. Philippe obtient ensuite du pape la participation de l'Inquisition au procès contre les Templiers.
En 1403, le Parlement de Paris se saisit d'un conflit entre l'inquisiteur de Cambrai et l'archevêque de Reims, et tranche en faveur de ce dernier. En 1412, le roi fait arrêter l'inquisiteur de Toulouse, jugé trop inféodé à la papauté. En 1430, lors du procès de Jeanne d'Arc, son accusateur, Pierre Cauchon, insiste pour obtenir la collaboration du dominicain Jean Le Maître, vicaire de l'inquisiteur de Rouen, malgré les réticences de ce dernier. En 1485, l'inquisiteur de France s'affirme comme tel « par le Saint-Siège et le Parlement ».
Instrumentalisée, appelée sur le devant de la scène en cas de besoin et reléguée en arrière-plan le reste du temps, l'Inquisition perd peu à peu sa substance, alors que ses prérogatives passent aux États. Même si des tribunaux subsistent à Toulouse et Carcassonne jusqu'au XVIIe siècle, elle disparaît en pratique au XVe siècle. Lors de la Réforme protestante, ce sont les Parlements français qui connaîtront des cas d'hérésie41.

Éléments statistiques

Il est difficile de produire un bilan chiffré de l'activité de l'Inquisition médiévale : les données sont tardives — donc situées à une époque où la répression est moindre — et localisées. Cependant, à titre d'exemple, on peut citer les éléments suivants :
  • À Turin, on répertorie 200 condamnations en un peu plus de 80 ans (de 1312 à 1395), parmi lesquelles : 22 peines capitales, 41 ports de croix et 22 peines médicinales (amende, pèlerinage, etc.)
  • L'analyse des archives de Bernard Gui a montré qu'en seize ans (1307-1323) d'exercice à Toulouse, il a prononcé 501 peines et 243 remises de peine, la plupart du temps pour mettre fin à une détention. Plus précisément, il ordonne 29 sentences capitales, 80 condamnations au bûcher concernant des cadavres exhumés, 13 peines de mur étroit (prison ferme), 231 peines de mur large (assignation à résidence) et 107 peines infamantes. Le plus important bûcher, ordonné le 5 avril 1310, fait 17 victimes.
L'historien Yves Dossat qualifie la peine du feu d'exceptionnelle, et souligne que « les exécutions massives ne sont guère compatibles avec un tel système de répression. » Quelques inquisiteurs se signalent néanmoins par leur zèle : Conrad de Marbourg ordonne de nombreux bûchers avant d'être assassiné. Robert le Bougre multiplie les exécutions lors de sa tournée de 1233-1234 à la Charité-sur-Loire puis de février-mars 1236 dans le Nord de la France. Le 13 mai 1239, au mont Aimé, 183 cathares, dont un seul « parfait », sont livrés aux flammes sur son ordre.



Croisade des Albigeois

La croisade des Albigeois (1208-1229) (ou croisade contre les Albigeois) est une croisade proclamée par l'Église catholique contre l'hérésie, principalement le catharisme et dans une faible mesure le valdéisme. Dès le XIIe siècle, les textes de l'époque parlent d'hérésie albigeoise sans que cette région soit plus cathare que ses voisines.
Le catharisme était surtout implanté en Languedoc, lequel était dominé par deux familles, la maison de Toulouse et la maison Trencavel. N'ayant pas réussi à s'entendre pour faire front, le comte Raymond VI de Toulouse fait amende honorable et se croise, tandis que Raimond-Roger Trencavel se prépare à se défendre contre la croisade. Une fois Béziers et Carcassonne prises et le vicomte Trencavel emprisonné, les croisés désignent l'un des leurs, Simon de Montfort, pour poursuivre la lutte (1209). Cette croisade évolue rapidement en guerre de conquête, d'abord pour le compte de Simon de Montfort, puis après la mort de ce dernier (1218) et l'échec de son fils Amaury, pour le bénéfice de la couronne. Cela n'empêche pas la lutte contre le catharisme, d'abord sous la direction des évêques locaux, puis sous celle de l'Inquisition (à partir de 1233).
Finalement, les vicomtés de Carcassonne, d'Albi et de Béziers sont annexées au domaine royal en 1226 ; le comté de Toulouse passe à Alphonse de Poitiers, un frère de saint Louis en 1249 et est annexé en 1271. Le Languedoc, qui se trouvait au début du XIIIe siècle dans la sphère d'influence du royaume d'Aragon est entièrement passé à la fin de ce siècle sous celle du roi de France. À cette époque, le catharisme est éradiqué en Languedoc, et seulement quelques cathares ont pu se réfugier en Lombardie.

Déroulement de la croisade

La lutte contre le catharisme


Le catharisme apparaît en Languedoc au cours du XIIe siècle et six évêchés cathares s'y créent. Face à un clergé chrétien riche et parfois corrompu et dénonçant cette situation, cette nouvelle religion n’a aucun mal à se développer dans les classes inférieures de la population, puis à gagner les couches les plus hautes de la société.
Contrairement à la doctrine catholique, les cathares considèrent qu'il existe deux principes supérieurs, le bon (Dieu) et le mal (Satan). La création du monde, imparfaite, relève du mal et les cathares doivent s'extraire de leur prison charnelle pour retourner à Dieu. Pour cela, ils prônent une vie de pauvreté et de renoncement pour atteindre une perfection spirituelle. Certains cathares se destinent à l'état religieux et après être ordonnés, pratiquent une vie d'ascète et sont appelés Parfaits (ou Parfaites). Les cathares rejettent également tous les sacrements catholiques, et ne reconnaissent qu'un seul sacrement, le consolament, qui apporte le salut à celui qui le reçoit, mais l'engage à suivre cette vie d'ascétisme.
Cette situation est préoccupante pour l'Église, car c'est une véritable contre-église qui se développe en terre chrétienne. Dès 1119, le pape Calixte II dénonce cette Église. Pour contenir l'expansion de l'« hérésie cathare », Guillaume, évêque d'Albi, convoqua un concile en mai 1165 à Lombers alors ville importante de l'Albigeois (env. 2 000 habitants). De ce concile des archevêques, évêques et abbés du Midi (Narbonne, Nîmes, Toulouse, Agde, Castres, Gailllac…) fut rendu l'arrêt suivant : « Moi, Gaucellin, évêque de Lodève, par ordre de l'évêque d'Alby et de ses assesseurs, je juge que ces prétendus bons hommes sont hérétiques, et je condamne la secte d'Olivier (évêque cathare) et de ses compagnons, qui est celle des hérétiques de Lombers, quelque part qu'ils soient, selon l'autorité des Écritures. ». En 1177, le comte Raymond V de Toulouse demande l'aide de l'abbaye de Cîteaux pour combattre l'hérésie qui ne cesse de gagner du terrain. Une expédition conduite par le comte et l'abbé Henri de Marsiac assiège Lavaur, connue comme étant le centre de l'hérésie. Quand la ville se rend, deux dignitaires cathares sont capturés et abjurent leur foi. Henri de Marsiac retourne ensuite dans son abbaye, mais l'hérésie reprend de plus belle après son départ1.
Quand Raymond VI succède à son père, en 1194, l'hérésie est tellement bien implantée qu'il ne pourrait rien faire contre eux sans susciter des révoltes de ses comtés. Plus important, une partie de la classe dirigeante est convertie au catharisme. Au début de son pontificat, le pape Innocent III s'inquiète de l'influence grandissante de l'Église cathare en Languedoc. Il envoie de nombreux prêtres, dont Dominique de Guzmán et Guy des Vaux de Cernay, pour prêcher le retour au catholicisme. Les conversions sont rares et Dominique de Guzmán a l'idée de créer l'Ordre des Prêcheurs qui prend modèle sur la prédication itinérante de Jésus afin de mieux toucher les populations locales.
En même temps, le pape délègue Pierre de Castelnau auprès de la noblesse et du haut-clergé languedociens, pour les inciter à prendre des mesures contre les cathares, mais sans grand succès. Très vite, Pierre de Castelnau comprend que le comte Raymond VI de Toulouse n'agira pas et, après plusieurs entrevues, l'excommunie début janvier 1208. Peu après, le , Pierre de Castelnau est assassiné, alors qu'il quitte Saint-Gilles pour revenir auprès du pape.

La croisade des barons (1209)

Le pape Innocent III décide alors d'organiser une expédition contre les cathares, et accorde aux combattants les mêmes indulgences et faveurs qu'à ceux qui combattaient en Terre sainte. Bien que très différente dans l'esprit des précédentes croisades7, cette expédition prend le nom de « croisade des Albigeois » ou « croisade contre les Albigeois ». Avec cette croisade, on assiste à une évolution de la notion de croisade, où il s'agit de combattre les ennemis de la papauté. Arnaud Amaury (ou Arnaud Amalric) et Guy des Vaux de Cernay parcourent le royaume de France afin d'inciter les barons à prendre part à la « croisade ».
Le pape demande d'abord à Philippe Auguste de prendre la tête de cette expédition, mais ce dernier s'y refuse. Ceci s'explique par plusieurs raisons. La première est d'ordre juridique : si le roi estime que le pape peut réformer et assainir le clergé local, la décision de confisquer les fiefs à un seigneur n'appartient qu'à son suzerain, en l'occurrence le roi. La seconde raison est d'ordre pratique : il est encore en guerre contre Jean sans Terre, roi d'Angleterre ainsi qu'avec l'empereur germanique Othon IV et ne veut pas ouvrir un autre front. Il commence d'ailleurs par interdire aux barons de son royaume de prendre part à cette croisade, avant de changer d'avis et de donner cette autorisation.
Eudes III, duc de Bourgogne, annonce son engagement, suivi d'Hervé IV de Donzy, comte de Nevers, et de Gaucher III de Châtillon, comte de Saint-Pol. De nombreux barons de moindre importance se rallient également à la nouvelle croisade. Comme le comte de Nevers refuse de voir son rival de Bourgogne diriger la croisade, le pape désigne le légat Arnaud Amaury comme chef de la Croisade.
Les croisés se réunissent à proximité de Lyon et se dirigent vers le sud, sous la direction du légat Arnaud Amaury. Trois grands féodaux dominent alors le Languedoc : le roi Pierre II d'Aragon, également comte de Barcelone, de Gévaudan, de Roussillon, seigneur de Montpellier et le suzerain de plusieurs autres seigneurs, Raymond VI, comte de Toulouse et Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne et d'Albi. Pour écarter la menace de ses états et n'ayant pas réussi à s'entendre avec Trencavel pour une défense commune, Raymond VI de Toulouse fait amende honorable le à Saint-Gilles et rejoint la croisade.
Raymond VI de Toulouse a rejoint les croisés, et ne peut donc pas être attaqué. Pierre II d'Aragon est un roi puissant et le catharisme n'est que faiblement implanté dans ses états, aussi les croisés décident de ne pas l'attaquer. Arnaud Amaury annonce alors que seront attaqués les fiefs de Raimond-Roger Trencavel, vicomte d'Albi, de Béziers et de Carcassonne, qui abritent de nombreux cathares. Alors que la croisade atteint Montpellier, ce dernier se présente et demande une entrevue au légat Arnaud Amaury. Il proteste de son attachement à la foi romaine et tente de négocier, mais le légat exige une soumission totale, ce que refuse le jeune vicomte.
Dès la fin de l'entrevue, Trencavel met Béziers en état de défense et y amasse des armes et des vivres. En effet, les croisés ne doivent que quarante jours au service de la croisade, et il peut espérer qu'à l'issue de cette quarantaine, l'armée croisée s'amenuise. Béziers défendue, il se rend à Carcassonne afin de réunir une armée de secours. Les fortifications de Béziers sont suffisamment solides et puissantes pour espérer que la ville résiste longtemps. Mais l'imprudence de quelques Biterrois fait que les croisés pénètrent par surprise dans la ville le et massacrent plusieurs centaines d'occupants, cathares ou catholiques.

Le 26 juillet, les croisés quittent Béziers en ruines et se dirigent vers Carcassonne. Après la prise de Béziers, Trencavel n'a d'autre choix que de se retrancher dans la ville en attendant que l'orage passe. En temps normal, la cité abrite trois à quatre mille habitants, mais un plus grand nombre de paysans s'y sont réfugiés, fuyant la croisade. Celle-ci arrive au pied de la ville le 1er août. Le 3 août, un premier assaut permet aux croisés de prendre le faubourg du nord et de se rendre maîtres des points d'eau qui ravitaillent la ville. Le lendemain, un assaut contre le Castellare est repoussé, et les croisés mettent le siège autour la cité. Trencavel effectue même une sortie, tuant les soldats se trouvant dans les faubourgs et les incendiant afin qu'ils ne puissent être utilisés par l'assaillant.

C'est alors que le roi Pierre II d'Aragon se rend à Carcassonne. En effet, il est suzerain de plusieurs fiefs languedociens, dont certains appartiennent au Trencavel, et cherche à étendre son influence dans la région. L'apparition d'une armée comme celle de la croisade ne peut que l'inquiéter dans ses ambitions, et il se propose comme médiateur, afin que tout revienne rapidement dans l'ordre. Voulant rester en paix avec l'Église, il invite Raimond-Roger à négocier avec le légat, mais l'intransigeance de ce dernier fait échouer la négociation.
Le manque d'eau et la surpopulation dans la ville, dans des conditions sanitaires déplorables, incite le vicomte à négocier la reddition. D'un autre côté, les croisés veulent éviter un nouveau sac : ils ont besoin du butin pour financer leur participation, et doivent nommer un nouveau vicomte pour remplacer Trencavel ; et ce vicomte devra disposer de ressources pour continuer la lutte contre les cathares. Un accord est conclu le 15 août : Carcassonne capitule, la vie sauve est garantie à ses habitants et chevaliers, qui devront quitter la ville avec leurs seuls habits, et Trencavel se livre comme otage. Il meurt peu après dans sa prison de la cité de Carcassonne, à l'âge de 24 ans.

La conquête du Languedoc (1209-1213)

Par le passé, plusieurs expéditions avaient été déjà organisées contre les cathares. Mais dès le départ des soldats, l'hérésie avait repris de plus belle. Pour éviter que cela ne recommence et mettre définitivement fin au catharisme, le légat du pape confie les vicomtés de Trencavel à un croisé, avec la mission de continuer la lutte contre l'hérésie.
Comme cela lui permet d'agrandir ses domaines, Raymond VI de Toulouse se propose, mais son repentir est trop récent et semble suspect à Arnaud Amaury, qui refuse. Elles sont ensuite proposées à Hervé IV de Donzy, comte de Nevers, qui, bien qu'il soit ambitieux se récuse, disant qu'il avait assez de terres et voulait y retourner. De même, le duc de Bourgogne, puis le comte de Saint-Pol déclinèrent cet honneur. Les trois barons les plus importants de la croisade ayant ainsi refusé, Arnaud Amaury préside une commission formée de deux évêques et de quatre barons, qui fixe son choix sur Simon IV de Montfort. Ce dernier commence par refuser, mais l'insistance de son ami Pierre des Vaux de Cernay et d'Arnaud Amaury finit par le faire revenir sur sa décision. Il accepte, à la condition que tous les barons présents fassent serment de venir l'aider au cas où il serait en péril.

La conquête du Razès

La première difficulté du nouveau vicomte se manifeste avec la fin de la quarantaine, qui survient peu après la reddition de Carcassonne. Simon supplie le duc de Bourgogne et le comte de Nevers de rester encore quelque temps. Le duc de Bourgogne accepte, par amitié, alors que le comte de Nevers refuse et quitte le Languedoc. Raymond VI de Toulouse prend également quelques châteaux mais plus pour arrondir ses possessions et retourne dans sa ville comtale. Avec le duc de Bourgogne, Simon prend Fanjeaux, puis s'installe à Alzonne, position jugée assez centrale.
Il y reçoit une délégation de la ville de Castres, s'y rend et reçoit l'hommage de ses habitants. Il tente ensuite de prendre les châteaux de Lastours, mais doit abandonner le siège après le départ du duc de Bourgogne. Il ne peut alors compter que sur une trentaine de chevaliers et une troupe de cinq cents soldats. Sur la demande de l'abbé de Saint-Antonin de Pamiers, il prend Mirepoix, qu'il donne à son beau-frère Guy de Lévis, détruit la maison de Parfaits implantée à Pamiers par la sœur du comte de Foix et prend Saverdun. Il retourne ensuite dans ses états et reçoit l'hommage des habitants d'Albi. Il prend ensuite Preixan et reçoit l'hommage de plusieurs seigneurs locaux.
Investi de ses nouveaux domaines par l'Église, Simon doit faire confirmer cette investiture par le suzerain des vicomtés, le roi Pierre II d'Aragon. Il le rencontre à Narbonne, mais au bout de quinze jours, le roi ne s'est toujours pas décidé à le reconnaître comme son vassal. C'est à ce moment, le , que meurt Raimond-Roger Trencavel, et les ennemis de Montfort firent courir le bruit qu'il avait été assassiné. Le pays se révolte alors, son cousin Bouchard de Marly tombe dans une embuscade tendue par le seigneur Pierre Roger de Cabaret, et plusieurs de ses châteaux sont assiégés.
Giraud de Pépieux, un des seigneurs qui venaient de prêter serment à Montfort, assiège et investit le château de Puisserguier. Les défenseurs, deux chevaliers et cinquante sergents, se rendent contre la promesse d'avoir la vie sauve. Comme Montfort approche du château, Giraud fait exécuter les sergents et fuit vers Minerve en emmenant les deux chevaliers, qu'il relâche ensuite après leur avoir crevé les yeux et coupé les oreilles et le nez. D'autres châteaux sont repris par les Languedociens et leurs garnisons massacrées.
Simon de Montfort ne peut compter que sur quelques villes et doit se préparer à faire une conquête complète du pays. Il commence à prendre Bram, à proximité d'Alzonne, et fait preuve d'une cruauté égale à celle de Giraud de Pépieux : les seigneurs qui ont violé leur serment de fidélité sont traînés à la queue d'un cheval et pendus, et les autres sont aveuglés et leur nez coupé. Quinze jours après, il prend le château de Miramont, près de Carcassonne. Comprenant que Montfort ne sera pas aisément délogé du Languedoc, le roi d'Aragon prend contact avec le comte de Foix, mais deux interventions de Simon de Montfort perturbent les négociations à Pamiers.

Début juin 1210, les Narbonnais viennent voir Simon de Montfort et lui proposent leur aide contre la ville de Minerve. Simon saute sur l'occasion pour assiéger la ville, où sont réfugiés de nombreux parfaits et cathares. Il commence par faire construire une énorme pierrière, la « Malvoisine », qui détruit le chemin couvert permettant aux assiégés de s'approvisionner en eau. La ville capitule le 22 juillet, le seigneur ayant obtenu la vie sauve pour les habitants, les soldats et les cathares qui acceptent d'abjurer leur foi. Cent quarante parfaits refusent de le faire, sont condamnés au bûcher et brûlés. Impressionnée par l'efficacité du siège de Minerve, Montréal se rend sans combattre. Encouragé par ces succès, Simon attaque le château de Termes, qu'il prend après un siège de quatre mois.
Au début du mois de janvier 1211, le roi Pierre II d'Aragon organise une conférence visant à négocier la paix entre Arnaud-Amaury, Simon de Montfort, Raymond de Toulouse, qui n'avait combattu les cathares que mollement, et Raymond-Roger de Foix qui avait affiché une franche hostilité vis-à-vis de la croisade. Le comte de Foix refuse de s'y rendre, mais le roi fait preuve de bonne volonté en annonçant qu'il enverrait des soldats à Foix pour assagir le comte. Simon, faisant preuve d'obstination, parvient au bout de plusieurs jours à se faire confirmer la possession de ses vicomtés par le roi. La conférence reprend à Montpellier et les légats exigent de Raymond de Toulouse qu'il démilitarise ses états. Raymond refuse, est immédiatement excommunié, mais bat le rappel de ses vassaux et réunit une armée.
Simon ne peut pas réagir immédiatement, car il lui faut d'abord pacifier et contrôler ses états. L'arrivée d'un bataillon de croisés lui permet de mettre le siège devant les châteaux de Lastours. Le seigneur Pierre-Roger de Cabaret livre les châteaux à Simon en même temps qu'il libère Bouchard de Marly. C'est alors qu'un seigneur qui avait déjà prêté allégeance à Simon, Aimery de Montréal, encouragé par la réaction du comte de Toulouse, se révolte et se retranche à Lavaur. Simon arrive au pied de la citadelle, où le rejoint une troupe de cinq mille combattants, sous les ordres de Foulques, évêque de Toulouse, qui s'oppose au comte. Ce dernier ne tarde pas à venir avec son armée, mais renonce après une entrevue à dégager la ville de ses assiégeants. Une troupe de croisés allemands se dirigeant vers Lavaur est détruite à Montgey par Raymond-Roger de Foix et Giraud de Pépieux. Le 3 mai 1211, après un mois et demi de siège et de bombardements intensifs, une mine permet d'ouvrir une brèche dans les remparts. L'assaut donné immédiatement après permet à Simon de se rendre maître de la place. Aimery de Montréal et ses chevaliers sont pendus pour avoir trahi leur allégeance. Dame Guiraude, sœur d'Aimery, est lapidée au fond d'un puits et trois à quatre cents Parfaits sont brûlés vifs.
Simon a alors terminé la conquête de ses vicomtés et peut envisager d'attaquer le comté de Toulouse.

La guerre contre Toulouse

L'excommunication de Raymond de Toulouse autorise toute personne qui le désire à s'emparer de ses biens. Cette règle extrêmement sévère n'est que rarement appliquée au cours de l'histoire, car le pape espère toujours la repentance de la personne frappée de ce châtiment. Dans le cas présent, les légats savent pouvoir compter sur un homme suffisamment résolu, Simon de Montfort, et sur un apport constant de croisés pour aller jusqu'au bout.
Simon commence par prendre Castelnaudary, puis occupe l'Albigeois. Le 5 juin 1211, il obtient la renonciation de Raimond II Trencavel sur les fiefs de son père. Puis il se présente avec un détachement de croisés, conduit par Thiébaut Ier de Bar, devant Montaudran le 15 juin, met en déroute une troupe qui tente de lui barrer la route de Toulouse, et assiège la ville. Celle-ci résiste et Simon, comprenant qu'elle est trop bien protégée pour être prise d'assaut, lève le siège pour ravager le comté de Foix. Il s'agit pour lui de l'affaiblir et de se venger de la défaite de Montgey.

Il rentre à Carcassonne pour apprendre que Raymond de Toulouse a terminé ses préparatifs et se prépare à passer à l'offensive. Simon s'installe à Castelnaudary pour lui barrer la route. Il demande des secours, mais la plupart des villes du Languedoc, attendant de voir qui sera le vainqueur, temporisent. Bouchard de Marly arrive avec une petite troupe et un convoi de vivres. Il est attaqué par le comte de Foix, mais les routiers de ce dernier préfèrent rapidement piller le convoi plutôt que continuer le combat, et une sortie de Montfort met en déroute la troupe du comte de Foix.

Le comte de Toulouse lève le siège, mais Simon ne peut exploiter son succès, certaines localités s'étant entre-temps révoltées. Pour l'aider, le pape destitue des évêques jugés trop liés au catharisme comme Bérenger de Barcelone, archevêque de Narbonne, remplacé par Arnaud-Amaury, et Bernard Roger de Roquefort, évêque de Carcassonne, remplacé par Guy des Vaux de Cernay.
Une arrivée massive de croisés lui permet d'envahir le nord de l'Albigeois au printemps 1212, puis de l'Agenais, pendant l'été. Il s'occupe de prendre Moissac, puis se rend à Pamiers pour soutenir son abbé, attaqué par le comte de Foix. Il prend ensuite Muret, achevant l'encerclement de Toulouse, tandis qu'un de ses alliés occupe le Comminges, neutralisant ainsi le comte de Comminges.

Ayant réduit à l'impuissance le comte de Toulouse, Montfort profite d'une période de paix relative pour convoquer les seigneurs de ses domaines à Pamiers et leur faire rédiger les statuts de Pamiers, une charte décrivant l'organisation militaire, civile et religieuse de ses états. Pendant ce temps, Raymond VI négocie une alliance avec Pierre II d'Aragon, auréolé du prestige que lui confère sa victoire contre les musulmans à Las Navas de Tolosa, et plaide sa cause au pape Innocent III. Celui-ci réunit un concile pour examiner le cas du comte de Toulouse, où le roi d'Aragon plaide largement la cause des comtes de Toulouse, de Foix et de Comminges. Le pape tranche en décidant la fin de la guerre contre les hérétiques (15 janvier 1213).
Le roi d'Aragon prend officiellement les trois comtes sous sa protection et prépare une nouvelle guerre. Il franchit les Pyrénées, fait la jonction avec les forces des trois comtes et assiège Muret. Simon accourt à la tête d'une armée et l'entente languedocienne subit une cuisante défaite le 12 septembre 1213. Pierre II d'Aragon est tué dans la bataille, son fils est fait prisonnier par les croisés et les milices toulousaines sont massacrées. Simon de Montfort, en gagnant la bataille de Muret, va marquer le prélude de la domination française sur l'Occitanie et la fin de l'expansion de la Couronne d'Aragon au nord.

Les conséquences de la bataille de Muret sont importantes, puisque Foix, Narbonne, le Comminges tombent dans les mains de Simon de Montfort. Il commence également à occuper les possessions provençales du comte de Toulouse. Mais Raymond négocie l'alliance de l'Angleterre, et Simon doit encore passer du temps à pacifier ses possessions.

La paix et le concile de Latran (1214-1215)

L'Église décide d'une paix provisoire en avril 1214, que les Languedociens acceptent, en attendant qu'un concile décide du sort de Raymond de Toulouse. En effet, Jean sans Terre, occupé par une campagne contre la France, ne peut pas encore venir soutenir ses nouveaux alliés languedociens. Sa défaite à la Roche-aux-Moines le 2 juillet 1214, et celle de ses alliés à Bouvines le 27 juillet met définitivement fin aux espoirs de Raymond VI.
Un concile régional se réunit à Montpellier au mois de janvier 1215 et attribue les terres de Raymond de Toulouse à Simon de Montfort, puis s'aperçoit qu'il n'a pas ce pouvoir et en réfère au pape. Ce dernier modifie les conclusions du concile et attribue le marquisat de Provence à Guillaume des Baux, le duché de Narbonne à Arnaud Amaury et le reste à Simon de Montfort (4 février 1215). Peu après, le prince héritier Louis fait un voyage dans le sud de la France pour y affirmer la présence capétienne et trancher un premier litige entre Simon de Montfort et Arnaud Amaury à propos de la possession de Narbonne. La ville de Toulouse fait sa soumission, le prince Louis et Simon de Montfort y font leur entrée, après avoir démantelé les fortifications.
Le concile de Latran dure du 11 au 30 novembre 1215 et traite de l'ensemble de la chrétienté, et particulièrement de la Terre sainte, de la foi (et donc des hérésies) et des réformes. Le sort de Raymond de Toulouse est examiné à la dernière séance. À la suite du concile, le pape décide le 15 décembre 1215 d'attribuer définitivement le marquisat de Provence à Raymond VII de Toulouse, fils de Raymond VI, et le comté de Toulouse, les vicomtés de Carcassonne et de Béziers et le duché de Narbonne à Simon IV de Montfort. Le légat Arnaud Amaury, archevêque de Narbonne, lui dénie la possession du duché de Narbonne et Simon doit intervenir et le soumettre, malgré les menaces d'excommunication du légat. Il se rend ensuite à Toulouse, où il reçoit l'hommage des habitants le 7 mars 1216. Contrôlant le pays, il se rend alors en Île-de-France, qu'il n'avait pas revue depuis sept ans, pour rendre l'hommage au roi Philippe Auguste pour ses nouveaux domaines (10 avril 1216).

La révolte languedocienne (1216-1223)

Raymond VI, réfugié à Gênes et son fils Raymond VII parcourent la Provence, lèvent une armée de partisans que vont rejoindre les chevaliers faydits. Raymond VII commence par revendiquer Beaucaire. La garde de cette ville avait été confiée par les archevêques d'Arles aux comtes de Toulouse, mais l'archevêque l'avait repris en 1214 et donné à Simon de Montfort qui avait installé une garnison commandée par Lambert de Limoux. La décision du pape Innocent III du 15 décembre 1215 ne mentionne pas cette ville, donc n'indique pas à qui elle était attribuée. Stratégiquement importante, Beaucaire gardait la rive française du Rhône, face à Tarascon, une cité impériale. Raymond VII entre dans la ville en mai 1216, acclamé par la population. Lambert de Limoux tente de s’opposer à la venue de Raymond, mais doit reculer face à la foule et se retrancher dans le château, rapidement assiégé par les habitants de la ville. Dès qu’il apprend la nouvelle, Guy de Montfort marche sur Beaucaire, le comte Raymond VII refuse l’affrontement en plaine et Guy doit assiéger la ville. Simon apprend la nouvelle alors qu’il est encore à Paris. Il se rend immédiatement à Beaucaire, qu’il atteint le 6 juin. Deux assauts sont repoussés au mois de juillet. Un troisième assaut est tenté le 15 août, et prend pied sur les murailles, mais les défenseurs ameutent la population et Simon doit renoncer. Pendant ce temps, la garnison de Lambert de Limoux commence à manquer de vivres et Simon doit négocier l’abandon du siège contre la vie sauve pour sa garnison (24 août 1216).

L’annonce de cet échec de Simon sème l’agitation en Languedoc. Il rentre à marche forcée vers Toulouse, craignant la révolte, qui éclate alors qu’il approche de la ville et réclame des otages à la ville. La ville est prise, mais Simon réclame des indemnités de guerre telles qu'il se retrouve avec une ville qui le hait et prête à se révolter.
Profitant de l’accalmie, Simon marie son second fils Guy avec la comtesse Pétronille de Bigorre. Ce mariage renforce son influence dans la région et soustrait la Bigorre aux partisans du comte de Toulouse. Il intervient ensuite dans le comté de Foix, mais apprend que Raymond VII rallie plusieurs villes du Languedoc et le comte de Valentinois qu’il combat durant l’été 1217. À la fin de cette campagne, Montfort apprend que Raymond VI est revenu à Toulouse le 13 septembre 1217, que la ville se révolte et qu'elle relève ses murailles. Guy, prévenu le premier, commence le siège le 22 septembre. Le siège s'éternise et le 25 juin 1218, Simon est atteint à la tête par un jet de pierre et meurt.
Article détaillé : siège de Toulouse (1218).

Amaury VI de Montfort, succède à son père à la tête de l'armée croisée. Le 25 juillet, il lève le siège et se retire à Carcassonne. Bien que ne manquant pas de courage, Amaury n’a pas l’habileté de son père, et ne peut empêcher la plupart des barons languedociens de se rallier aux comtes de Toulouse et de reprendre les fiefs tenus par des croisés.
Devant la situation d’insurrection, le pape Honorius III se remet à prêcher une nouvelle croisade, au début de l’année 1218. Le roi Philippe Auguste décide d’envoyer son fils Louis pour intervenir en Languedoc. Philippe agit plus dans le but d’imposer au sud l’arbitrage royal que par ferveur religieuse ou pour soutenir un vassal en difficulté. Le prince Louis se rend en Languedoc à la tête d’une armée et rejoint Amaury VI de Montfort qui assiège Marmande (2 juin 1219). La ville est prise et sa population massacrée. Les croisés marchent alors sur Toulouse qu’ils atteignent le 17 juin. Au bout d’un mois et demi de siège infructueux, le siège est abandonné le 1er août, et le prince Louis retourne dans le nord. Pendant le restant de l’année, Raymond et Amaury parcourent le pays, chacun cherchant à gagner les partisans. De juillet 1220 à février 1221, Amaury assiège sans succès Castelnaudary. Le 2 août 1222, Raymond VII succède à son père et tente de faire allégeance au roi, qui lui répond qu’il ne le reconnaîtrait que si l’Église fait de même. Raymond commence des démarches en ce sens, tandis que Roger-Bernard de Foix continue la lutte en reprenant Fanjeaux, Limoux, Pieusse (1222), puis Mirepoix (juin 1223).

L'intervention royale (1226-1229)

La paix revenait en Languedoc, sur une victoire de Raymond VII. Un concile s’apprête à se réunir à Paris pour négocier les termes politiques et religieux de la paix. Mais le roi Philippe, malade, meurt le .
Les envoyés du pape, sachant le nouveau roi plus prompt à diriger une croisade que son père, renoncent au concile de paix et l’incitent à reprendre la lutte. Blanche de Castille, la femme de Louis VIII convainc également son mari à intervenir. Amaury, à qui il ne reste plus que Carcassonne, Minerve et Penne-d'Agenais, retourne en Île-de-France le 14 janvier 1224. Ruiné et ne pouvant plus payer une armée, il abandonne en février 1224 tous ses droits en Languedoc au roi de France.
En février 1224, le roi demande alors au pape des garanties (les archevêques de Bourges, Reims et Sens doivent être les chefs spirituels de la croisade et ont tout pouvoir pour excommunier et jeter l’interdit ; trêve de dix ans avec l’Angleterre ; contribution financière accordée par l’Église aux croisés…) qui montrent plus l’action d’un roi de France que d’un dévot. Pendant ce temps, le 3 juin 1224, les comtes de Toulouse et de Foix et le vicomte Trencavel s’engagent devant une conférence d’évêques à purger leurs territoires de l’hérésie et à restituer les biens spoliés au clergé, à la réserve de l’annulation de tous les actes de cession des Montfort. Le 25 août, le pape accepte les termes du triple serment. Mais le roi Louis, ne voulant pas renoncer à annexer le sud, envoie Guy de Montfort en ambassade auprès du pape pour le faire revenir sur ses décisions. Un concile se réunit à Bourges le 29 novembre 1225 pour traiter de la question cathare et le comte Raymond VII, n’ayant pas satisfait à toutes les exigences du pape est à nouveau excommunié le 28 janvier 1226.

Le 30 janvier 1226, le roi Louis VIII prend la croix contre les cathares. Son armée, dans laquelle figure le comte Thomas Ier de Savoie, arrive à Lyon le 28 mai. Il suit le cours du Rhône et reçoit les soumissions des différentes villes provençales et languedociennes, qui envoient leur délégation bien avant que l’armée approche des villes. Le 6 juin, l’armée se présente devant Avignon, mais les habitants, craignant les exactions des soldats, lui refusent l’entrée. Le 10 juin débute le siège. Un assaut général est tenté le 8 août, mais est repoussé. Les vivres manquant, la ville capitule le 9 septembre. Thibaud IV, comte de Champagne quitte alors l’ost, ayant effectué sa quarantaine, au grand déplaisir du roi.
Louis VIII reçoit la soumission du comte de Comminges, privant Raymond VII de son seul allié, et annexe les vicomtés Trencavel. Avertis de l'approche de l'armée royale, les bourgeois de Carcassonne se révoltent contre Trencavel, qui s'était établi à la cité, et le forcent à se replier sur Limoux, en compagnie de Roger-Bernard de Foix. De là, les deux alliés organisent la résistance. Le roi contrôle maintenant le pays et réinstalle les compagnons de Simon de Montfort dans leurs anciens domaines. Il nomme Humbert V, sire de Beaujeu comme gouverneur des vicomtés. Il ne réussit pas à prendre Toulouse, et repart en passant par l’Auvergne. Malade en atteignant Montpensier, le 29 octobre 1226, il s’alite et y meurt le 8 novembre.
Raymond VII et ses alliés profitent de l’hiver qui suit pour regagner du terrain. Humbert possède une armée réduite de cinq cents chevaliers pour le contrer, mais est investi de l’autorité royale et n’est pas assujetti, comme l’étaient Simon et Amaury de Montfort, aux directives de l’Église. L’hérésie regagne également du terrain et l’archevêque de Narbonne réunit un concile provincial qui renouvelle l’excommunication des comtes de Toulouse et de Foix et de Trencavel. Au cours de l’été, Humbert de Beaujeu reçoit des renforts et assiège Labécède, défendu par Olivier de Termes et Pons de Villeneuve. Le château est pris et les Parfaits qui s’y étaient réfugiés sont brûlés. Il prend d’autres châteaux, mais Raymond VII en occupe d’autres, si bien que l’équilibre se maintient. Au cours de l’été 1228, Humbert attaque la ville de Toulouse, mais ne pouvant prendre la ville trop bien défendue, ravage la campagne environnante, pendant trois mois sans que le comte Raymond VII n’intervienne. Au mois de novembre, Olivier de Termes et Pons de Villeneuve, deux des faydits les plus redoutables, font leur soumission.
Le pape Honorius III meurt le 18 mars 1227 et son successeur, Grégoire IX connaît les problèmes de la régente Blanche de Castille face aux grands seigneurs insoumis, et sait qu’elle pourrait difficilement intervenir dans le Languedoc. Il est également en conflit avec l’empereur Frédéric II, et résoudre la question albigeoise lui permettrait de se consacrer à cette autre lutte. Il envoie son légat Romain de Saint-Ange à Paris pour négocier une paix. Finalement un accord se dessine, une conférence est réunie à Meaux en mars 1229, et le Traité de Paris est signé le 12 avril 1229. Raymond de Toulouse fait pénitence devant Notre-Dame de Paris, il est confirmé comme comte de Toulouse, mais donne Jeanne, sa fille unique, en mariage à Alphonse de France, frère du roi. Le 16 juin, Roger-Bernard II de Foix accepte de se soumettre et signe la capitulation de Saint-Jean-de-Verges. Le pape envoie en Languedoc les tribunaux de l’Inquisition pour lutter contre les Cathares.

La fin de l'indépendance du comté de Toulouse (1233-1255)

Le comte de Toulouse ne soutient que mollement la lutte contre l’hérésie. De plus, peu de Languedociens acceptent de dénoncer les hérétiques contre récompense. En 1233, le pape constate l’inefficacité de la lutte, et comprend que les évêques ne peuvent en même temps lutter contre l’hérésie, exercer leur ministère et gérer leur diocèse. Le 20 avril 1233, il institue l’Inquisition, déchargeant ainsi de cette charge le clergé séculier. Il confie cette institution aux Dominicains, qui font bientôt régner la terreur parmi les diocèses méridionaux, n’hésitant pas à brûler les cathares, favorisant les dénonciations, allant même jusqu’à déterrer les morts soupçonnés d’hérésie pour mettre leur cadavre au bûcher.
Au cours de l'été 1240, les Languedociens poussés à bout se révoltent. Une armée surgit des Corbières. Son chef Raymond Trencavel, à la tête de faydits du Razès, du Carcassonnais et du Fenouillèdes, épaulé par un corps d'infanterie aragonais, tente de reprendre ses anciens domaines au roi de France. Profitant de l'effet de surprise, elle fond sur le Carcassès, mais au lieu d'attaquer directement la cité, le vicomte préfère entrer en possession du Razès. Ainsi, le sénéchal de Carcassonne, Guillaume des Ormes a le temps de renforcer ses défenses. Le siège de la cité par Raymond est un échec et il s'enferme dans Montréal. Les comtes de Toulouse et de Foix se présentent alors au camp des Français et parviennent à obtenir une reddition honorable pour Trencavel, autorisé à rejoindre l'Aragon.
Le comte de Toulouse est resté à l'écart du conflit, mais le roi lui reproche de ne pas avoir répondu à l'appel du sénéchal du Languedoc, et il doit faire sa soumission le 12 mars 1241. Il donne le change en assiégeant en juillet 1241 le château de Montségur qu'il ne prend pas. Pour avoir un fils, et ainsi permettre que Toulouse ne revienne pas à Alphonse de Poitiers, il répudie son épouse et en cherche une autre, mais les décès successifs de plusieurs papes retardent l'annulation de son mariage.
En 1241, Alphonse de France est investi du comté de Poitiers par son frère Louis IX. La noblesse poitevine, qui reste attachée aux Plantagenêts, et particulièrement Hugues X de Lusignan, marié à Isabelle d'Angoulême, ancienne reine d’Angleterre, commence à nouer des alliances avec le roi d’Angleterre, le roi d’Aragon et le comte de Toulouse. Raymond VII épouse Marguerite de Lusignan, fille de Hugues X. Si le complot avait été bien coordonné, il aurait pu réussir, mais les imprudences de Hugues de Lusignan le découvrent prématurément, et le roi a le temps de prendre les dispositions nécessaires. Hugues se révolte plus tôt que prévu (Noël 1241), ce qui permet au roi de le vaincre avant que n’éclate la révolte en Languedoc.
En Languedoc, l’Inquisition reprend ses activités. Plusieurs chevaliers réunis par Pierre-Roger de Mirepoix massacrent plusieurs inquisiteurs dans la ville d’Avignonet, le 28 mai 1242. L’annonce de ce massacre est le signal de la révolte languedocienne, et de nombreux seigneurs et chevaliers faydits rallient l’armée de Raymond VII. Raymond VII de Toulouse, appuyé par Trencavel, le vicomte de Narbonne Amalric et le comte de Foix, s'empare du Razès en 1242, puis du Minervois, d'Albi, avant d'entrer à Narbonne. Les Français tiennent fermement Carcassonne et Béziers. Mais le soulèvement général qu'escompte Raymond VII ne s'est pas produit : ni le duc de Bretagne, ni le comte de Provence, ni le roi d'Aragon ne répondent à son appel.
Le 21 juillet 1242, Louis IX écrase la noblesse poitevine et le roi Henri III d'Angleterre à Taillebourg et marche en direction du Languedoc, à la tête d'une armée. Le comte de Foix est le premier à abandonner le comte de Toulouse pour se rallier au roi, provoquant la défection des autres alliés. Le comte de Toulouse en est réduit à traiter avec le roi de France. En janvier 1243, Raymond VII fait acte de soumission à Louis IX, imité par le comte de Foix et le vicomte de Narbonne.

La résistance cathare se concentre alors sur quelques châteaux pyrénéens, dont Montségur et Quéribus. Le concile de Béziers, en 1243, décide d’en finir et ordonne la prise du château de Montségur. Hugues des Arcis, sénéchal de Carcassonne, prend le château le 16 mars 1244, après un siège de dix mois. Les Parfaits réfugiés dans le château refusent d’abjurer leur foi et 200 d'entre eux sont aussitôt brûlés (Seuls trois arriveront à s'échapper du château la nuit précédant le bûcher). Guy II de Lévis, seigneur de Mirepoix, prend ensuite possession du château60.
Après le bûcher de Montségur, l’église cathare est désorganisée, et de nombreux Parfaits se réfugient en Lombardie. Les derniers châteaux cathares, Quéribus et surtout Niort-de-Sault (Niort) (qui était avec tout le pays de Sault le refuge de nombreux parfaits), sont pris à leur tour en 1255. Vers 1295, un notable d’Ax-les-Thermes, se rend en Lombardie auprès des cathares, puis revient et tente de recréer une église cathare en Languedoc, mais l’Inquisition met fin à son mouvement en 1309. L'Inquisition reste encore active dans cette partie du royaume pendant environ trois quarts de siècle jusqu'à ce que le catharisme soit complètement éteint.

Bilan des croisades


Cette croisade a eu des répercussions autant sur le plan religieux que sur le plan politique.
Sur le plan religieux d'abord, les conséquences directes sont l'élimination du catharisme en Languedoc, la création de l'Ordre des Prêcheurs (les dominicains) et la création de l'Inquisition médiévale. Le nombre total des personnes tuées par la croisade ou exécutées par l'Inquisition n'est pas connu avec certitude, mais il est important du fait des exécutions collectives.
Une conséquence religieuse moins connue est la réforme du clergé local. C'est en effet la richesse (et parfois la corruption) du clergé catholique et sa dénonciation par les prélats cathares qui a incité une partie de la population à se convertir à la nouvelle religion. Une partie de la hiérarchie cléricale était également suspectée de sympathies cathares. La période allant de 1209 à 1215 a vu la déposition de plusieurs évêques et leur remplacement par des prélats venus du nord du royaume (Arnaud Amaury à Narbonne, Guy des Vaux de Cernay à Carcassonne). Certains diocèses, jugés trop étendus pour être correctement administrés, ont été divisés.
Sur le plan politique, les comtés de Toulouse et de Foix et les vicomtés Trencavel étaient vassaux du roi de France en théorie, mais indépendants par rapport à ce dernier de fait, tout en subissant l'influence du royaume d'Aragon. La croisade modifie radicalement cette situation et à la fin du XIIIe siècle, seul le comté de Foix et la vicomté de Narbonne ne sont pas annexés au domaine royal. Le comté de Toulouse et les vicomtés de Béziers, de Carcassonne et d'Albi sont remplacés par trois sénéchaussées de Toulouse, de Beaucaire et de Carcassonne. Montpellier et le Gévaudan, possessions du roi d'Aragon, sont achetés par le roi de France.
En définitive, c'est le royaume de France qui retire le plus de bénéfices de ce conflit dans lequel il ne voulait pas s'impliquer au départ : le Languedoc, qui jusque là était encore sous l'influence de la Catalogne et des Aragonais, rentre définitivement dans la sphère d'influence française. La croisade marque la séparation définitive entre les Languedociens, au nord, et les Catalans, au sud.
La croisade des Albigeois marque une modification radicale de la politique extérieure des royaumes de France et d'Aragon :
  • Au début de XIIIe siècle, Philippe Auguste, roi de France, hésite à annexer La Rochelle, qu'il considère comme trop éloignée du pouvoir royal : en cas de siège de la ville, l'éloignement ne permet pas à l'ost royal une intervention rapide. À la fin de ce même siècle, le territoire correspondant aux actuelles régions Midi-Pyrénées et Languedoc fait partie du domaine royal. L'influence du roi de France s'exerce jusqu'aux Pyrénées.
  • Au début du siècle, c'est le roi d'Aragon qui domine le Languedoc, bien que se heurtant aux comtes de Toulouse : il possède en propre les comtés de Gévaudan et de Roussillon, la vicomté de Millau et la seigneurie de Montpellier. Un cousin possède le comté de Provence, les comtes de Comminges, les vicomtes d'Albi, de Béziers, de Carcassonne et de Narbonne sont ses vassaux. À la fin du siècle, il ne lui reste plus que le Roussillon au nord des Pyrénées. Ses vassaux soit sont passés sous la suzeraineté du roi de France, soit ont eu leurs domaines annexés, Saint Louis a racheté le Gévaudan (1258) et Montpellier et le comté de Provence est passé par mariage à Charles d'Anjou, frère de Saint-Louis. L'Aragon va alors s'étendre vers le sud (Reconquista et conquête du royaume de Valence) et la Méditerranée (Sicile, Sardaigne, Corse…).
La croisade contre les albigeois a comme ultime conséquence d'élargir le domaine personnel des rois de France jusqu'à la Méditerranée et aux Pyrénées. Pour défendre ses nouvelles frontières avec la couronne d'Aragon, Saint Louis fait dresser la plus grande ligne de forteresses jamais dressée en Europe. Toulouse perd son rang de 3e ville d'Europe après Rome et Venise

Relectures contemporaines


Le catharisme et la croisade contre les Albigeois sont totalement oubliés jusqu'aux livres de Napoléon Peyrat vers 1870. Mais il s'agit alors d'une vision fortement imaginaire, marquée par le Romantisme et le goût des ruines car Peyrat est fasciné par les vestiges de Montségur.
Le mouvement culturel occitaniste né dans l'Entre-deux-guerres à Toulouse (Félibrige et Institut d’Études Occitanes) s'attache à l'étude de l'histoire locale et aborde quelquefois le sujet et le dominicain Antoine Dondaine dans les années 1930 étudie les documents d'Inquisition. Mais ces travaux ne touchent qu'un public scientifique.
Le roman de Zoé Oldenbourg La Pierre angulaire, prix Fémina 1953, met en scène la croisade pour un public littéraire. C'est surtout Henri-Paul Eydoux qui, grâce à ses ouvrages de vulgarisation archéologique, fait connaître le catharisme au grand public et même à la population locale, dans la seconde moitié du XXe siècle, en décrivant les châteaux de la région, connus alors seulement de quelques érudits.
Il faut attendre 1958 et surtout les années soixante pour que des historiens de métier comme Jean Duvernoy ou Michel Roquebert publient sur la question de façon continue, avant que le développement du tourisme n'y voit une manne, au point que sont appelés « châteaux cathares » des forteresses construites par les rois de France et que des restaurants proposent des « cassoulets cathares », bien éloignés des préoccupations spirituelles de cette religion.
Néanmoins, les années 2000 marquent un nouveau tournant dans l'histoire de l'hérésie et du catharisme. Les travaux de Jean-Louis Biget et de Monique Zerner, qui portent un lourd doute sur l'authenticité d'une source-clé de l'historiographie du catharisme, les actes du Synode de Saint-Félix, remettent à plat la notion même de catharisme.
Des courants régionalistes se réclamant de l'Occitanisme s'appuient sur l'histoire du catharisme pour développer la thèse d'un affrontement séculaire entre le nord et le sud de la France et d'un traumatisme encore vivant chez les Languedociens. Selon Eydoux cependant, dans les années 1950, les habitants des villages situés à côté des châteaux cathares ne connaissaient pas le catharisme.
L'histoire de la croisade, et notamment la « chanson de la croisade », a fait l'objet de plusieurs relectures contemporaines.
L'une d'elles, à travers plusieurs spectacles couvrant la période 2009-2013 (Crozada d'Uei 2009-2013) dans Sommières et sa région, vise à reprendre les problématiques, toujours actuelles, qu'a soulevées la croisade, et à les interroger pour l'époque contemporaine. Le spectacle mêle de la chanson traditionnelle, des musiques plus contemporaines (rap, slam), de la poésie, du théâtre…

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